29 juin 1909 : Picasso apprend le dessin à ma fille

 » Laisse ton crayon courir sur la feuille. Garde la main souple. Repense bien à ce que tu veux dessiner et représente-le vu du dessus, du dessous et d’à côté.  »

C’était il y a deux mois : ma fille Pauline était ravie d’écouter Pablo Picasso lui montrer comment faire « un beau dessin ». L’artiste, croisé plusieurs fois chez les marchands de tableaux Kahnweiler ou Vollard, est devenu un ami de la famille. Nous le rejoignons parfois jusqu’à son atelier ; plus fréquemment, il vient prendre un verre à la maison. Jamais à la même heure, toujours sans prévenir. Souvent aimable, parfois taciturne. Le peintre veut rester libre et déteste les convenances bourgeoises.

crayola2.1246220087.jpgcrayola.1246220108.jpg

La boîte de Crayola toute neuve venue des Etats-Unis sur le rebord de la table de la cuisine est le point de départ d’une aventure picturale pour ma fille qui se poursuit aujourd’hui. La gamine interroge :

 » Il renvient quand Tonton Picasso ?  »

Je rappelle à ma petite que celui-ci est rentré pour plusieurs mois dans son Espagne natale. J’ajoute, sans trop savoir, « … pour voir son papa et sa maman lui-aussi ». Je lui montre une carte que nous avons reçue de Barcelone et une autre de Horta de San Juan :

 » Tu vois, là-bas, il va nous faire des tableaux de montagnes avec du marron, du jaune et beaucoup de soleil. Il n’y aura pas de vert ou presque, puisque les arbres sont rares dans le paysage. Picasso reviendra aussi avec des photographies de ce qu’il a vu. Tu pourras comparer avec ses toiles.  »

Ma fille prend une feuille :

 » Je veux faire comme Tonton Picasso. Des carrés, quelques ronds et beaucoup de couleurs. »

Pauline se concentre. Un instant, ses yeux noisette me fond penser au regard perçant de Pablo. Son avant-bras se déplace sur la feuille avec rapidité, les Crayola de différentes teintes se succèdent pour remplir la page avec une certaine habilité. L’enfant a compris les leçons du maître. Elle ne s’embarrasse pas du désir de reproduire la réalité et préfère nous faire sentir ce qu’elle a en tête. Chaque oeuvre devient, pour elle comme pour lui, une recherche et une expérience.

pauline.1246220168.jpg

Pauline pose un (bref) instant

Un quart d’heure après, le dessin s’achève. L’enfant y inscrit son prénom, avec application, en bleu clair, en bas à droite. En me demandant de poster son chef d’oeuvre pour notre ami en Espagne, elle me signale qu’elle se met maintenant à faire des découpages.

 » Il devrait faire comme moi, Tonton Picasso : des découpages… ça va encore plus vite que de faire un dessin et c’est rigolo. »

Je lui promets de parler, dans ma lettre d’accompagnement, des découpages « rigolos » et de conseiller le procédé à Picasso.

Avec attendrissement, je regarde ma cadette et repense à cette phrase de notre ami peintre :

 » Dans chaque enfant, il y a un artiste. Le problème est de savoir comment rester un artiste en grandissant.  »

img_2526.1246220038.JPG

Le superbe dessin de Pauline

8 commentaires sur “29 juin 1909 : Picasso apprend le dessin à ma fille

Ajouter un commentaire

  1. Monsieur,

    Alerté par quelques amis, je visite pour la première fois votre blog historico-pédagogique. Bravo pour votre travail.

    Il se trouve que je suis le bras droit de Juan José Mederias, directeur de la Fondation Picasso à Madrid. Je suis extrèmement troublé par ce que je lis. Rassurez-vous, mon intervention n’est nullement vindicative. Au contraire. Nous savions que Picasso avait lié amitié avec beaucoup de français, célèbres ou anonymes. Tous ces témoignages sont pour notre fondation primordiaux.

    Si vous avez quelques informations à nous donner concernant cette Pauline, ou plutôt ses descendants, nous serions heureux, et flattés, de pouvoir approfondir le sujet. Non pas que nous contestons les faits que vous narrez. Mais vous admettrez qu’une jeune fille qui appelle le grand homme « tonton Picasso » a dû entretenir avec lui des rapports quasi filiaux. Ces rapports se sont-ils poursuivis dans le temps, et ont-ils évolué ? N’y voyez aucune malice de ma part, mais vous connaissez certainement le tempérament de Pablo Picasso, et son amour des femmes.

    Vous comprendrez donc, pour différentes raisons, qu’il serait criminel, pour notre Fondation, de passer à côté de telles informations. S’il y a un moyen moins « public » de vous joindre, nos avocats et moi-même serions heureux de poursuivre cette conversation plus discrètement, et évoquer notamment cette reproduction de tableau de Pauline, que vous diffusez, inconnue de notre catalogue, avant plus amples recherches.

    Merci de ces révélations, bravo pour votre travail de recherche.

    Bien à vous,
    Francisco Remedios

    (ce message a été traduit de l’espagnol par Joël Charcot, notre correspondant parisien du musée Picasso)

    J’aime

  2. Le dessin de Pauline sera sans doute exposé dans quelques mois si Kahnweiler ou Vollard font des propositions en ce sens.
    En attendant, la jeune enfant ne se doute pas que son oeuvre provoque un tel émoi, un siècle après, au sein d’une « fondation Picasso »… dotée d’un solide sens de l’humour faute d’une existence avérée … et qui devra, en outre, apporter quelques explications sur ses liens bizarres avec le célèbre explorateur Charcot.
    Je décerne à ce commentaire le 1er prix du canular historico artistique.
    Bravo !
    Olivier le Tigre

    J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑

%d blogueurs aiment cette page :