2 mai 1909 : Sortir des bas-fonds pour une photo

Ma nièce a cessé de fréquenter les bas-fonds de New-York à Lower East Side. Sa dernière lettre m’avait navré : elle était devenue l’amie de Johnny Torrio, petite frappe devenant progressivement chef de gang. La gamine semble s’être calmée. Plus de fauche aux étalages, arrêt des courses poursuites avec les policiers, fin de l’apprentissage de l’argot italo- américain. Nous sommes encore loin de la jeune fille rangée mais je n’ai plus besoin de garder un contact étroit avec le consul français sur place pour la tirer d’un éventuel mauvais pas.

Catherine se pique maintenant de photographie. Elle m’écrit qu’il s’agit d’un art à part entière. Tout heureux qu’elle soit revenue à des occupations pacifiques, je lui réponds que oui. Elle joint à sa lettre des clichés de l’amie qui l’initie à cette discipline : Gertrude Käsebier.

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Ces moments tendres qui font le tour du monde, en ces années 1900, grâce à la photographe américaine Gertrude Käsebier

Ma nièce a fait connaissance de cette américaine au sang vif grâce à son amie, la sulfureuse Natalie Clifford Barney qui, de Paris, semble la guider dans l’univers des femmes artistes d’Outre-Atlantique.

 » Cher Oncle, en cette période où un troisième petit être vient apporter du bonheur à votre foyer, vous ne pouvez être insensible à ces photographies de mères aux gestes simples, exprimant une tendresse universelle à des nouveau-nés ou racontant une histoire qui semble captiver des plus grands. La famille est une valeur qui dépasse les frontières et la photographie vient y capter des instants uniques qu’aucun peintre ne peut saisir aussi naturellement. Et ces moments exposés aux yeux de tous rappellent à chacun sa propre histoire, ses propres moments de joie. La photographie d’art essaime une tendresse jusque-là cachée, fait pénétrer le beau dans chaque acte intime.  »

Catherine m’explique ensuite longuement les poses nécessaires à Béatrice Baxter Ruyl, cette jeune maman qui a ouvert ses portes à la curiosité de Gertrude Käsebier. Elle évoque ces dizaines de clichés qu’il faut jeter avant de trouver celui qui correspond à ce que l’artiste voulait créer. Elle insiste aussi sur ces longs moments où l’appareil est inutile car les positions de Béatrice ne conviennent pas et aussi ces instants terribles où la photographie aurait pu être parfaite mais où l’appareil tombe en panne.

Elle conclut par cette phrase plutôt bien tournée pour une gosse qui a vécu de longs mois à Lower East Side : 

« La photographie est une brève complicité entre la prévoyance et le hasard ». 

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D’autres clichés de Gertude Käsebier, début XXème siècle…

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