» Il va falloir s’occuper un peu plus sérieusement de toutes les inégalités qui perdurent sur notre territoire ! » Hégésippe Légitimus que je reçois aujourd’hui, ne mâche pas ses mots même s’il garde un sourire avenant.
Au départ, mon propos était juste de passer en revue tous les postes budgétaires du ministère de l’intérieur et de celui des armées pour examiner les économies possibles. En regardant la longue liste des affectations, je me suis étonné du nombre de fonctionnaires présents pour le maintien de l’ordre en Guadeloupe. J’ai voulu en savoir plus sur la situation de cette île que je connais mal et j’ai eu l’idée de faire venir le député maire de Pointe-à-Pitre, dans mon bureau, pour faire le point.
Hégésippe Légitimus a un fils du nom de Victor qui sera journaliste et se mariera avec la comédienne Mathilda Paruta qui deviendra Darling Légitimus. Cette dernière sera à son tour la mère de Théo Légitimus, comédien lui aussi, qui aura, en 1959, en enfant du nom de … Pascal.
» Si vous voulez que la Guadeloupe reste calme, il faut s’efforcer de mettre fin à la crise sucrière qui secoue notre territoire depuis 1870. La canne se vend de moins en moins et à des cours trop bas pour permettre aux petites exploitations de survivre. Le résultat se traduit par une concentration des propriétés entre les mains des usines et d’industriels métropolitains et/ou mulâtres. »
Hégésippe Légitimus explique calmement et s’efforce de vérifier, par des regards furtifs, que mes notes prises au fur et à mesure, sont bien conformes à ses propos.
» J’ai créé le parti socialiste guadeloupéen pour redonner du pouvoir politique aux exploités de l’île qui sont souvent noirs, pour mettre fin aux grands monopoles qui conduisent à des inégalités de fortune choquantes et pour favoriser l’accès aux études des classes populaires guadeloupéennes. A chaque hausse des cours de la canne à sucre, il faudrait que les salaires des ouvriers agricoles et des usines soient revalorisés. »
Je décide de le faire parler un peu de lui :
– On vous qualifie, peut-être un peu vite, de « Jaurès noir » ?
– Monsieur le conseiller, c’est beaucoup d’honneur mais si vous connaissiez mieux l’île, vous verriez que le nom de Légitimus est pris au sérieux par les habitants qui placent beaucoup d’espoir dans mon action de président de conseil général, de député et de maire.
En me regardant avec fierté, il ajoute une phrase dont je peine à comprendre complètement le sens :
– Mon nom n’est pas celui d’un… inconnu… et je ne suis pas… un amuseur public. »
Legitimus, Geronimo. La concentration des richesses dans quelques mains n’a pas disparu. Sans doute s’est-elle encore accentuée depuis. Très bon choix d’évènements du calendrier 1909 : ils nous basculent chaque fois dans l’actualité contemporaine.
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