11 février 1909 : Picasso, l’oeil qui cherche et trouve

« Son oeil noir englobe puis perce la réalité pour l’absorber totalement ; son esprit vif analyse, synthétise, transforme et transmet à son bras qui jette magistralement les formes et la couleur sur la toile. Picasso est une machine géniale !  » pense le marchand de tableaux Kahnweiler. Ce dernier vient visiter, comme en chaque fin de matinée, le Bateau-lavoir, résidence des peintres installés à Montmartre.

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Picasso a 28 ans en ce début d’année 1909

Picasso est l’un des rares artistes résidant dans cette guinguette, à l’aise financièrement. Kahnweiler vient de lui acheter presque toutes ses toiles de la période rose pour plus de 2000 francs.

Le Catalan exerce une fascination grandissante sur ceux qui le côtoient.

C’est lui qui explore des rivages jusque-là inconnus de la peinture avec ses incroyables « Demoiselles d’Avignon » et ses autres oeuvres qui transforment modèles et objets en cubes.

C’est encore lui qui prend sous son aile protectrice le débonnaire et (faussement?) naïf Henri Rousseau. Il vient d’organiser un grand banquet en son honneur.

Habitué à être leader, Picasso ne supporte pas la concurrence, notamment celle de Georges Braque qui fait aussi des découvertes dans le monde des objets simplifiés en volumes abstraits et en cubes. La rivalité entre les deux artistes, cachée par une amitié de façade, est féroce. Chaque oeuvre de Braque inspire immédiatement Picasso qui s’efforce de le dépasser en affichant un génie plus complet, plus audacieux encore.

Picasso parle, théorise, montre la voie à d’autres qui l’imitent maladroitement et servilement. Il est ce matin au centre d’un petit groupe attentif aux moindres de ses propos.

« Je veux faire votre portrait un jour ! » lance-t-il brusquement à Kahnweiler. Il tend son index et fixe le marchand d’art d’un regard impérieux lui interdisant de bouger.

 » Vais-je peindre ce qu’il y a sur votre visage? Ce qu’il y a dans votre visage? Ou ce qui se cache… derrière votre visage ? »

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Le Bateau-Lavoir, lieu de résidence et de rencontre des peintres de Montmartre

4 commentaires sur “11 février 1909 : Picasso, l’oeil qui cherche et trouve

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  1. Je suis content d’apprendre que Picasso commence à faire parler de lui. Je l’ai rapidement croisé il y a une petite dizaine d’années. C’est un garçon très courageux, très travailleur. Mais c’est si difficile de vivre de ses peintures.

    Pour l’aider, je lui avais acheté trois ou quatre toiles. Mais mon épouse ne les aimait pas, elle me disait qu’elles juraient avec la tapisserie de notre salon. Alors, en 1906, je les ai vendues pour investir dans mes emprunts russes.

    C’est triste, mais quand on appartient comme moi aux classes moyennes, on ne peut pas se permettre d’être un mécène. Pourtant, il faut bien que quelqu’un les aide, tous ces pauvres peintres qui se donnent tant de mal.

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  2. Les modes comme celles-ci sont régulières et passent comme elles sont venues!
    Gageons que dans 15 ans, plus personne ne saura qui est ce peintre, et qu’on confondra son nom avec celui d’une d’un phonographe, voire avec celui d’une de ces inutiles automobiles dont vous parliez…

    http://ilyaunsiecle.blog.lemonde.fr/2008/09/17/17-septembre-1908-favoriser-lautomobile-dans-paris/

    Plutôt que de jeter votre argent par les fenêtres en achetant ces « peintures », investissez dans du solide, comme moi dans l’emprunt russe, dont la rentabilité et la fiabilité ne sont plus à démontrer.

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  3. L’avant-garde est souvent mal reconnue, hélas. Ce Mr. Picasso effectue un ouvrage ma foi intéressant. Dans l’inspiration et la violence de l’âme qu’il projette sur la toile, il me rappelle un génie, Van Gogh. Il convient certes de ramener cette comparaison à sa juste mesure, mais je préfère ces originaux aux tristes pompiéristes qui nous assomèrent autrefois.

    Et laissez tomber ces emprunts russes. Le Tsar n’est pas fiable. Si j’en avais les moyens, j’investirais plutôt dans les aéroplanes. On n’imagine pas les services innombrables qu’ils rendront à l’avenir, par exemple dans la police, qui pourra surveiller les allées et venues des délinquants depuis le ciel, et que sais-je encore !

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