2 juillet 1908 : Revoir les enfants

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Les grands magasins de la Samaritaine et le Pont-Neuf vers 1900

Moment merveilleux où je franchis le pas de la porte : « papa ! » . Nicolas, l’aîné de douze ans se jette dans mes bras ; la cadette de trois ans, Pauline, me fonce dans les jambes. Rapidement une deuxième clameur :  » les cadeaux, les cadeaux, les cadeaux ! ». Mes enfants savent que chaque voyage est l’occasion de rapporter un souvenir des pays visités. Pour Constantinople, mon choix s’est arrêté sur une poupée pour la benjamine et une marionnette représentant un soldat turc pour le plus grand. Compte tenu des conditions périlleuses de mon départ de l’Empire du sultan, j’ai dû en fait réaliser mes achats… aux grands magasins de La Samaritaine. Je fais donc prestement disparaître l’emballage qui révèle le tour de passe-passe.

Je regarde un peu songeur mes enfants qui font déjà subir les pires outrages à la poupée et à la marionnette. Je ne suis peut-être plus tout à fait un papa comme pouvait l’être mon grand-père. Je montre volontiers mon affection, j’essaie de passer du temps avec mes bambins, je suis malheureux de les quitter pour plusieurs jours quand je suis en mission.

Depuis toujours et cela a été réaffirmé par le code Napoléon, d’un point de vue juridique, nous détenons, nous les hommes, seuls, l’autorité parentale. Pendant longtemps, il y a pourtant eu un contraste entre cette réalité légale et l’investissement masculin en faveur du foyer. Mon grand-père – nous étions dans les années 1850 – travaillait dur à l’extérieur comme ingénieur et laissait à son épouse le soin de s’occuper entièrement de la maison. Il n’aimait pas montrer ses sentiments :  » Cela ne se fait pas. Le père doit être symbole de force et garde ses distances.  » L’époque est différente. J’aime faire des câlins à mes marmots, taper dans une balle avec mon fils, aider la plus petite à assembler un puzzle. Je n’ai pas l’impression que mon autorité en est remise en cause pour autant.

Une petite heure de détente et les tâches du ministère me reprennent déjà. Un volumineux dossier m’attend sur mon bureau :  » La protection de l’enfance ». G. Clemenceau a souhaité que je lui fasse le point sur la situation des enfants dans notre pays aujourd’hui. J’ai décidé de parler des sujets qui fâchent : les maisons de correction, les enfants qui travaillent, les abandons de nouveau-nés ou les châtiments corporels.

Bref, je vais montrer que Nicolas et Pauline, issus de la bourgeoisie parisienne, ont beaucoup de chance. Dans notre « belle époque » , le bonheur d’un enfant dépend beaucoup de son lieu de naissance. Pour inverser cette tendance, il faudra beaucoup de rapports comme celui que je m’apprête à rédiger.

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