Edgar Degas. « Après le Bain »
Moment pur, moment volé. Observer une femme nue, une femme à la toilette, en vrai ou en rêve. Cet instant où la tête se relève, ce dos qui se cambre légèrement comme ployé par la lourde chevelure humide.
Cette pointe de sein fière, des hanches rondes pleines de forces. Les deux bras levés font saillir des muscles trahissant l’énergie de la belle épiée.
Intérieur chaud, la chaleur du bain laisse la place au velours des sièges. La serviette blanche mue par une main invisible peine à envelopper la toison rousse et abondante de la Vénus d’un soir.
Sait-elle que je suis là derrière, amoureux et curieux, attendri et excité ? Va-t-elle se retourner effrayée ou flattée ? Va-t-elle mettre fin à cet instant de grâce ou aura-t-elle l’élégance d’oublier qu’elle n’est pas seule en continuant à charmer son spectateur caché ?
Le frottement de la serviette cache peut-être le bruit des quelques gouttes qui finissent leur courte vie sautant d’un corps magnifique qui les rejette vers une baignoire devenue inutile.
Le corps chaud, prêt pour le plaisir ou le rêve, sent la présence invisible. Poursuivre une scène rare et faire durer l’attente ? Refuser la banalité d’un mot de trop, laisser parler le geste, attendre le regard complice. Laisser l’autre inviter, être prêt, préparer son entrée, surprendre sans rompre le charme.
Imaginer ce moment d’abandon où la belle aux formes parfaites hésitera entre le repos ou de nouveaux plaisirs. Rejoindre l’autre enfin …
… en remerciant Degas pour son regard captant le bonheur et son habileté à transformer notre quotidien en tableaux merveilleux.
E. Degas. » Femme Nue Etendue »
» Sacrifice constant à l’expression du geste, obstinément cherché dans les actes les plus précis de la toilette, l’enjambement de la baignoire, les bras levés pour tordre ou peigner les cheveux, la pression de la serviette ou de l’éponge sur les seins.
…Il est cependant étrange que cet occidental épris de la vérité la plus désintéressée, fasse souvent songer à quelque peintre oriental cherchant à noyer dans les tons les plus riches et les plus rares, à tout instant rompus, chatoyants, mourants, renaissants, le désenchantement de son esprit. »
Elie Faure (L’art moderne 2) p137 138 Livre de poche
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