Beau gosse, il est devenu gérant et directeur de la Nrf. Il lance depuis l’an dernier, à son nom, sa propre maison d’édition. Gaston Gallimard est un passionné de littérature mais c’est aussi – et je vais être un peu désagréable : un planqué.
On ne l’a pas vu dans les tranchées, il n’a pas évité, de justesse, les balles allemandes et n’a pas tremblé pendant les préparations d’artillerie. Non, pendant la guerre, il a continué à suivre ses jolis projets littéraires et a tout fait pour se faire réformer par une fréquentation assidue de tout ce que la France compte de sanatoriums. Il se dit même qu’il aurait payé quelqu’un pour qu’il figure, avec la mention » décédé » , au registre de l’état civil !
A cela, on peut ajouter, dans un dossier à charge déjà bien lourd, deux longs voyages au Etats-Unis en 1917 et 1918 – « pour promouvoir la culture française » – pendant que nos poilus, eux, mourraient en nombre sur le front, dans la boue et au milieu des rats.
En somme, ce n’est pas lui qui n’a pas voulu faire la guerre, c’est elle qui n’avait pas besoin d’un homme comme lui.
Bref, Gaston aurait de quoi en énerver plus d’un et pourtant – je l’avoue – je l’adore. Son goût très sûr pour détecter les talents d’aujourd’hui et de demain, sa manière de parler avec gourmandise des chefs-d’œuvre de ses auteurs, ses passions amoureuses : il séduit et respire la vie ; il donne envie de lire, réfléchir, comprendre et discuter de tout et de rien, de refaire le monde, avec passion.
Après quelques mots de bienvenue lorsqu’il me fait entrer chez lui, je lui remets la lettre de Marcel Proust.
Sa réaction à la lecture me surprend…
A suivre…

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