Rude coup pour les forces russes blanches : l’amiral Koltchak vient d’être livré à l’Armée rouge. C’est un rempart important contre l’extension du bolchevisme qui s’effondre.
Cet ancien et très brillant officier supérieur de la marine du tsar avait – presque malgré lui – pris la tête de troupes destinées à renverser le nouveau régime en place à Moscou et Pétrograd. Il avait mis sa rigueur stratégique, son incontestable charisme et son dévouement total au service d’une cause qui s’est révélée, au fil des temps, de moins en moins noble. Début 1918, il paraissait légitime de continuer à entretenir un front contre les Allemands, d’éviter que des stocks immenses de matériel militaire ne tombent aux mains de l’ennemi et enfin, il fallait permettre le rapatriement des alliés tchèques engagés profondément au-delà de l’Oural. Pour cela, une coalition internationale s’était formée et des troupes anglaises, américaines, canadienne, italienne, japonaises ou françaises (pour ne citer que les contingents les plus importants) apportaient leur soutien à différents leaders Russes blancs, sortes de seigneurs de guerre, malheureusement farouchement individualistes et rivaux.
En ce début de 1920, notre intervention occidentale s’enlise dans une situation sans gloire. La guerre civile russe ne produit qu’une successions de massacres, de comportements immondes de part et d’autre et les troupes blanches, souvent mal équipées ou ravitaillées, restent minées par la corruption. Nous déplorons aussi des mutineries chez nos propres soldats qui ne comprennent pas cette guerre lointaine et la raison du maintien de leur mobilisation.
C’est dans ce contexte qu’intervient la chute de Koltchak. Son génie tactique et stratégique, son dévouement absolu pour la survie de sa patrie bien aimée, sa droiture même, n’auront pas suffit à retourner une situation devenue – y compris dans son propre camp – au fil du temps, désespérée.
L’Armée rouge se révèle plus combative et tenace que prévue. Malgré ses multiples faiblesses logistiques, elle sait mieux profiter de l’immensité de la Russie, de son climat hostile et se révèle mieux structurée et encadrée que les troupes blanches (les officiers rouges sont par exemple en permanences surveillés par de nombreux et impitoyables commissaires politiques). Elle sait aussi mieux fédérer des peuples profondément différents grâce à une puissante idéologie commune. Les atermoiements alliés auront eu aussi des effets délétères sur la solidité du front anti-bolchevik et le brillant amiral n’a pas pu renverser la vapeur.
C’est sans doute maintenant un triste sort qui attend Alexandre Koltchak. Ceux qui le détiennent ne connaissent que les jugements et les exécutions sommaires de leurs adversaires : probablement une balle en pleine tête dans un bois et le corps jeté dans une fosse commune.
C’est une page douloureuse que se tourne dans cette Russie si compliquée.


