« Nous voulons rester libres comme l’air ! » Telle est la réaction de nombreux pilotes d’aéroplanes lorsqu’on évoque avec eux la mise en place de règlements de sécurité aérienne.
Ils ajoutent : « Pour faire progresser les plus lourds que l’air, il faudra des héros martyrs. On ne peut essayer des appareils sur des planches à dessins. Pour tester un moteur, une nouvelle forme d’hélice, d’aile, d’aileron ou de fuselage, la confrontation avec la réalité passe par un vol dans des conditions réelles. L’état des pistes, la force du vent ou la portance de l’air ne peuvent se reproduire dans un hangar. Arracher des centaines de kilogrammes au sol reste un défi, une prise de risques. Le succès grise, l’ascension dans le ciel enivre mais nous n’oublions jamais que la mort rôde. »
Les premiers aéroplanes (ici un modèle construit par Wright) restent instables, peu solides, souvent sous-motorisés et donc dangereux…
L’Aéro-Club de France accepte quant à lui de parler de code et de règles mais avec un enthousiasme modéré :
« Les courses automobiles sont boudées en raison des changements incessants de règlements. Ne nous obligez pas à faire la même chose dans le monde aéronautique ! »
Et pourtant, les vols tuent : Le pilote prometteur Eugène Lefebvre qui s’est écrasé avec son Wright Model A reste dans toutes les mémoires. Un an avant, le lieutenant américain Selfridge avait perdu la vie dans les mêmes conditions. Et on ne compte plus ceux qui se blessent grièvement lors de décollages ratés ou d’atterrissages acrobatiques.
Que faire ?
Depuis 1908, l’Aéro Club distribue des brevets de pilote : tous les grands noms de ce sport fabuleux ont eu le leur. Le n°1 a été remis à Blériot et une centaine d’autres encore, par ordre alphabétique. Tous les autres candidats doivent se soumettre à des épreuves sélectives pour obtenir le précieux parchemin.
L’armée pense de son côté à créer un brevet militaire, plus rigoureux encore.
Mais cela ne suffit pas. Quelle est la manœuvre obligatoire à effectuer quand un autre appareil fonce sur vous quand vous êtes en vol ? Devez-vous braquer à droite ou à gauche ?
Pour doubler, vous prenez à droite ou à gauche ?
A quelle altitude minimum faut-il voler ? 20 mètres, 30 mètres ou plus ?
Quelle distance minimum sépare-t-elle deux aéroplanes qui se suivent ? 30 mètres, 50 ou 100 ?
Il va falloir se décider.
Les premiers pilotes étaient doués, ils avaient fabriqué eux-mêmes leurs appareils qu’ils connaissaient sur le bout des doigts. Les aviateurs de l’avenir n’auront peut-être pas autant de talents. Il faudra une formation solide, des règles précises et un personnel pour les faire appliquer.
Je discute lors d’une soirée avec la flamboyante Baronne de la Roche, première femme française pilote.
« C’est amusant. Il suffit que les femmes s’intéressent à une nouvelle discipline et y réussissent… pour que les hommes s’empressent d’ériger des barrières réglementaires protectrices et décourageantes ! Messieurs, vous n’êtes pas beaux joueurs… »
La flamboyante baronne de la Roche, première femme aviatrice brevetée en France
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