Toute la France est derrière lui. Il fait rêver petits et grands. Des dessins et des photographies de son navire le « Pourquoi pas ? » illustrent une presse à grand tirage, avide de raconter sa seconde expédition antarctique.
Jean-Baptiste Charcot, médecin, ancien rugbyman finaliste du championnat de France, tient fièrement la barre d’un bateau qu’il souhaite amener au plus près du pôle sud. Il a quitté le Havre en août et se dirige vers l’extrême sud du Chili en prévoyant une longue escale à Punta Arenas. Là-bas, c’est, pour l’instant, la « belle saison » .
Jean-Baptiste Charcot a 41 ans en 1908, il effectue sa seconde expédition en Antarctique
Voyage de prestige, subventionné largement par le gouvernement, c’est aussi et surtout une expédition scientifique. Les savants de l’académie des sciences et du muséum d’histoire naturelle ont établi un programme de travail chargé : reconnaissance et cartographie des côtes, étude des marées polaires, relevés de salinité, études de la faune et de la flore, analyse du magnétisme… Le long hiver austral sera studieux.
Entreprise difficile aussi. Il faut rejoindre une terre qui est au bout de la planète. L’approvisionnement en charbon étant incertain, il n’est pas question d’utiliser fréquemment les moteurs du bateau. Ce sont donc les vents qui pousseront le navire vers ces terres inhospitalières. L’électricité sera aussi rationnée et l’éclairage se fera au pétrole ou à l’huile, sauf le jeudi, le dimanche et les jours de fête.
Le contact et l’étreinte des glaces s’annoncent violents. La coque du bateau est double, renforcée de cercles et de lames de fer sur les flancs. Cela suffira-t-il à protéger le trois mâts construit sur les plans de l’ingénieur Laubeuf – spécialiste des sous-marins – à Saint Malo ?
Jean-Baptiste Charcot au milieu des manchots… que la presse française de 1908 appelle « pingouins »
Arrivée à Punta Arenas, madame Charcot qui accompagne pour l’instant son mari, embrassera une dernière fois son solide époux et rejoindra l’Europe.
Elle laissera le célèbre médecin avec trois années de vivres en conserves, des centaines d’instruments scientifiques et cinq traîneaux automobiles Dion-Bouton.
L’équipage se retrouvera « entre hommes » et avec des dizaines de chats destinés à lutter contre les rats de la cale.
Jean-Baptiste Charcot se concentrera alors sur ses rêves, fixera l’horizon où apparaîtront les premiers icebergs. Et il répètera inlassablement ces deux mots qui mélangent insouciance et sens du défi : « Pourquoi pas ? »