17 septembre 1911 : La Joconde disparue

 » Arrêtez d’arrêter tout le monde, pour un oui ou pour un non ! » Je viens sans doute de parler avec un peu trop de véhémence. Le juge d’instruction, Monsieur Drioux, qui a répondu à ma convocation se tapit dans le fauteuil qui fait face à mon bureau. On sent l’homme épuisé, fatigué d’être poursuivi par la meute des journalistes, la foule des curieux et l’indiscrétion de ses voisins. D’une voix faible, il commente sa triste vie :  » L’instruction du vol de la Joconde s’est transformé en véritable cauchemar. Fin août, quand le cambriolage a été constaté au Louvre, j’étais très fier que l’affaire me soit confiée. Cela me changeait des larcins sur les chantiers ou des disparitions de colliers dans les demeures bourgeoises des beaux arrondissements. Enfin l’occasion d’être connu, que l’on parle un peu de moi…  J’ai été servi. Pas une minute de calme. La presse enquête pour moi. On se moque parce je ne vais pas assez vite et que la toile n’a toujours pas retrouvé sa place dans le Salon Carré. »

L'espace laissé libre après le vol de la Joconde, fin août au Louvre

Je rétorque, un peu amusé : « Effectivement, votre surnom  – le « marri de la Joconde » – est assez bien trouvé…  » Drioux rougit et lâche, honteux :  » Même mon épouse a pouffé de rire quand elle l’a lu dans Le Gaulois. »

Je reprends :  » En attendant, le gouvernement apprécierait que vous cessiez de jeter en taule tout ce que Paris compte de poètes et de peintres, sans compter les mythomanes qui s’accusent pour faire parler d’eux. Votre enquête devrait se faire dans la discrétion. Nous regrettons la mise sous mandat de dépôt de Guillaume Apollinaire, pendant une semaine, le trop long interrogatoire de Pablo Picasso et j’en passe… Vous devriez faire confiance à la méthode Bertillon. La recherche des preuves scientifiques, les empreintes digitales, la consultation des fichiers… Il n’y a que ça de vrai. »

Le juge me promet plus de retenue et quitte mon bureau à reculons, en saluant maladroitement et en bredouillant quelques phrases incompréhensibles qui doivent être des excuses.

Il est suivi par Théophile Homolle, le pauvre et ex-directeur du Louvre, en vacances pendant les faits et qui a dû présenter sa démission. On m’a demandé de recaser dignement ce brillant normalien, agrégé d’histoire, qui a mené d’une main de maître les fouilles de Delphes. Je lui propose la direction de l’Ecole Française d’Athènes, ce qu’il accepte, sans discuter, ravi de pouvoir retourner à ses passions hellénistiques. Lui aussi quitte mon bureau à reculons, en saluant avec son chapeau melon, la canne sous le bras, un peu raide.

Théophile Homolle, le pauvre directeur "démissionné" du Louvre

Nous sommes le 17 septembre. La Joconde a été volée depuis le 22 août. L’enquête piétine, patine et n’aboutit à aucun résultat. Caillaux m’a demandé :  » Puisque la justice et la police n’arrivent à rien, assurez-vous au moins qu’ils ne fassent pas de dégâts ! »

Ce jour, j’ai donc demandé au juge de se calmer et j’ai trouvé une place au directeur du Louvre renvoyé. Mission accomplie.

Pour en savoir plus sur le vol de la Joconde

6 commentaires sur “17 septembre 1911 : La Joconde disparue

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  1. Suite au vol de la Joconde, le choix qui a été fait de remplacer le malheureux Homolle par un haut fonctionnaire de la sûreté générale, Eugène Pujalet, est le signe manifeste de la volonté du gouvernement de remettre de l’ordre dans l’administration des musées nationaux.

    La presse spécule déjà sur les mesures de sécurité qui vont être prises pour protéger les chef-d’oeuvres de notre principal musée (tableaux fixées par séries de cinq ou dix sur une barre d’acier horizontale, nouvelle organisation de la surveillance des salles d’exposition afin qu’il y ait toujours une personne en poste etc…).

    Cela c »est bien dans le champ de compétences de Mr Pujalet, mais qui va être responsable concernant le choix et la place des oeuvres d’art exposées au Louvre ?
    Par exemple, question immédiate, va-t-on laisser vide la place occupée par la Joconde au Salon carré en attendant un hypothétique retour ou la remplacer, en bonne logique, par le tableau d’un contemporain de Léonard ?

    Bye

    Olivier Stable

    PS : Heureux de vous voir de retour Mr Le Tigre, afin d’apporter éclairage particulier sur une actualité effectivement bien fournie ces derniers temps.

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  2. « le vol de la Joconde », bd de Jean Yves Le Naour (textes) et Didier Bontemps (dessins), éd. roymodus

    21 août 1911, vers sept heures du matin, un individu vêtu d’une blouse blanche dérobe le tableau le plus célèbre du monde au beau milieu du musée du Louvre. La Joconde a disparu !

    Pour retrouver le chef d’œuvre que son auteur Léonard de Vinci, avait cédé par testament à la France depuis 1519, le célèbre Préfet Lépine apporte son concours à l’enquête en la confiant au plus fin limier du pays, le commissaire Vaud.

    Sur fond de préparation de la Grande Guerre, commence alors l’histoire la plus drôle, la plus loufoque, la plus rocambolesque – et malheureusement véridique – des annales de la Police française. Parce qu’il n’a aucune piste, le commissaire Vaud soupçonne le monde entier ; tour à tour l’Allemagne, les Belges, l’Argentine, L’Italie, les milliardaires Américains, les Juifs, les journalistes et surtout ces deux métèques de la bohème que sont Pablo Picasso et Guillaume Apollinaire.

    Toutes ces pistes ne tiendront ni à fer ni à clou ! Ne reste du clou de la collection du Louvre que quatre clous de fixation.

    Mona Lisa échappe à tous.

    Un récit histori-cocorico-hystérique …

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