18 février 1910 : Au garde-à-vous devant Franco

Les trente soldats au garde-à-vous regardent leur chef avec passion. Ils apprécient la droiture, le courage physique et la force qui se dégagent de leur jeune lieutenant. D’une voix claire, ce dernier rappelle le programme de la journée. Défilé, exercices physiques, revue de chambre, ordre serré à nouveau, tir à l’extérieur et entraînement sur le terrain voisin de la caserne. Ils n’arrivent pas à distinguer à quel moment une courte pause sera consacrée au repas et craignent que celle-ci disparaisse dans le tourbillon d’activités et de mobilisation voulu par leur officier.

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Francisco Franco et l’un de ses frères lors de leur scolarité à l’académie militaire de Tolède

Ce dernier, du nom de Francisco Franco, du haut de ses dix-huit ans, s’affirme comme le plus volontaire de tout l’encadrement du régiment d’infanterie stationné à Ferrol en Espagne.

Les hommes sont toujours au garde-à-vous. L’alignement impeccable, les torses bombés et les têtes levées dégagent une impression martiale que ne démentent pas les regards sévères et volontaires que Franco exige de ses hommes quand ils défilent.

Emmener cette troupe dans le Rif, mettre en pratique ces entraînements mille fois répétés, oublier ces cibles en bois ridicules pour mettre en joue de vrais rebelles : un rêve.

Aider l’Espagne à retrouver une dignité militaire, elle qui a perdu Cuba, Porto-Rico et les Philippines dans la désastreuse guerre hispano-américaine : un devoir.

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Lors de la désastreuse guerre hispano-américaine de 1898, l’Espagne perd son rang de puissance et les Etats-Unis s’affirment comme une nation militairement respectable.

Non, Francisco n’est pas le fils médiocre décrit par son père détesté, à sa mère, lors d’une conversation qu’il a écoutée caché derrière une porte, à l’âge de douze ans. Il met en parallèle cet épisode douloureux avec son refus récent du bizutage lors de sa scolarité à l’académie d’infanterie de Tolède. Garder le menton en avant, le visage impassible, ne pas céder un pouce de dignité : seule réponse possible à ceux qui tentent de l’abaisser ou de le mépriser.

Les trente militaires commencent à s’engourdir dans leur raideur inconfortable et attendent l’ordre de rompre qui ne vient pas. De leurs muscles tendus viennent des douleurs qui envahissent le dos et remontent jusqu’à la nuque. Aucun fantassin n’ose cependant se relâcher tant que le lieutenant Franco n’a pas donné le signal attendu.

L’officier jette un œil dominateur sur ces jeunes gens transformés en statue. Il laisse passer de longues secondes pendant lesquelles il apprécie encore et presque physiquement ce pouvoir détenu sur autrui. Un mot, il les libère ; s’il ne dit rien, il sait qu’aucun de ses subordonnés n’osera le moindre frémissement.

La cloche de l’église voisine sonne les sept coups du matin, tintements qui retentissent dans l’atmosphère claire comme un signal de Dieu. Le lieutenant Franco donne alors l’ordre tant attendu, satisfait d’avoir pu vérifier l’immensité de son autorité sur ses soldats bien-aimés.

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7 commentaires sur “18 février 1910 : Au garde-à-vous devant Franco

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  1. Je sais que c’est « péché », mais j’ai toujours eu depuis enfant une immense admiration pour Franco. En outre, je me souviens de mes vacances en Espagne dans les années 60 et 70, c’était paradisiaque à l’époque pour les touristes (pas de délinquance, pas encore trop de béton, des gens simples et acceuillants).

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  2. @ Tovaritch

    Parfaitement d’accord avec vous, j’ai eu la même perception de l’Espagne des années 60 à 70 , j’ajoute que les immenses oliveraies d »Andalousie sont l’oeuvre de franco ou du moins lui doivent leur existence , elles font aujourdh’ui la richesse de l’espagne.
    A l’époque, j’avais des tas de copains espagnols de toutes conditions et je puis dire qu’il y avait même pour les plus agités, un respect pour le monde adulte et face à l’autorité que l’on n’imagine même pas actuellement en France ….

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  3. Je publie ces deux commentaires en précisant bien qu’ils n’engagent que leurs auteurs.
    A titre personnel, je ne peux avoir de « l’admiration » pour un dirigeant qui ne s’est pas fait remarquer pour son respect des libertés publiques et des règles élémentaires de la démocratie.
    L’auteur

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  4. Il ne faut pas perdre de vue que les désastres coloniaux (guerres contre les rebellions à Cuba et aux Philippines, proconsulats militaires, défaite face aux USA) ont rendu les espagnols assez allergiques avec les aventures militaires et l’ont coupé de son armée.

    C’est alors, selon les termes d’Ortega y Gasset, que « l’armée espagnol s’isole, et en elle fermentent le ressentiment et l’antipathie à l’égard des autres classes sociales. » Elle devient un état dans l’état forcant la main au parlement pour que soit voté toujours plus de crédits militaires qu’elle justifie notamment par les nécessités de la guerre coloniale dans le nord du Maroc, sans qu’il soit tenu compte du sentiment populaire.

    Ainsi, durant l’été 1909, sont envoyé vers l’un des presides espagnols au Maroc, Melilla, des dizaines de milliers de soldats réclamés par le général Marina encerclé avec son armée, alors même qu’à Barcelone éclate (le 24 juillet) une véritable insurrection pour empêcher le départ de troupes catalanes.

    Eté 1909-été 1917-été 1936, la montée aux extrêmes de l’armée a suivit une voie inexorable.

    Bye

    Olivier Stable

    Bye

    Olivier Stable

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  5. Le lieutenant Francisco Franco y Bahamonde devait passer pour un solide emmerdeur. Pas étonnant qu’il ait réduit l’Espagne à une terre de désolation. Il aurait sans doute été mieux que le général Sanjurjo ne périsse pas dans un accident d’avion.

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  6. Ces commentaires sont intéressants.

    Ma mère se souvient surtout des enfants qui crevaient de faim et mendiaient le long des routes pendant leurs vacances en Espagne comme dans les pays en voie de développement et émergeants que je visite aujourd’hui.

    L’adjoint au maire de la ville où elle travaillait se souvient surtout de son arrivée sur les plages françaises à l’âge de 10 ans avec ses parents républicains (et pas anarchistes je précise) qui fuyaient la dictature. Qu’elles qu’aient été les difficiles conditions dans lesquelles ils ont été accueillis, il n’en reste pas moins que la France savait alors accorder l’asile et en a d’ailleurs été récompensé puisque l’homme dont je parle a toujours été reconnaissant au pays qui est devenu sa patrie et a été longtemps pilote de chasse et gestionnaire de commune.

    Je me souviens des cinéastes Carlos Saura et Joao Monteiro (d’accord il était portugais mais savait de quoi il parlait à propos de fascisme dans la péninsule ibérique) lorsque je les ai vu, eux et leur oeuvre, au Festival de cinéma méditerranéen de Montpellier il y a quelques années.

    L’Espagne à la mort du caudillo était dans un état déplorable et c’est en grande partie suite à son intégration dans la CEE et l’UE et les fonds communautaires qu’elle a pu se relever malgré les déboires qu’elle connaît aujourd’hui.

    Il est stupéfiant que sa mémoire reste honorée par une partie de la population et de la classe politique (voir Aznar) et par une partie de la jeunesse qui n’a aucune idée de ce dont elle parle et se complaît dans ses fantasmes d’homme fort.

    Et je ne suis pas un naïf, j’ai plutôt l’habitude d’être un cynique pour ce qui relève des relations internationales par exemple.

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