18 janvier 1910 : En Haïti, les USA prennent les choses en main

  « Mon programme pour Haïti ? La banane et le tourisme ! » L’attaché qui accompagne l’ambassadeur des États-Unis Robert Bacon n’y va pas par quatre chemins. S’il admet que le président local Antoine Simon puisse émettre un grand emprunt de 65 millions de francs sur la place de Paris, cela doit se traduire par des profits plus grands pour les sociétés américaines qui se développent sur place.

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L’ambassadeur américain en France, Robert Bacon

« Les intérêts que nous pouvons tirer de la vente de bananes sont importants. Il s’agit de remplacer la production de café dont les prix sont tirés vers le bas par les autres producteurs de la planète. De même, nous souhaitons participer à l’équipement en chemins de fer de l’île. Les liaisons Port-au-Prince vers le Cap-Haïtien et vers Les Cayes représentent deux chantiers qui nous intéressent particulièrement.»

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Le président haïtien, le général François Antoine Simon

Je l’écoute distraitement. Je n’ai pas beaucoup l’habitude d’une diplomatie qui mêle, à ce point, les intérêts des sociétés privées avec celui des États. Le massif ambassadeur Bacon a été lui même un haut dirigeant de la Northern Securities Company et de la US Steel Corporation. On le sent un peu vexé de ne pas être reçu par un ministre et il regarde ostensiblement pas la fenêtre, en signe d’ennui.

Dans ma mémoire, Haïti ne prend pas une grande place. Tout au plus, quelques vagues souvenirs du héros noir Toussaint Louverture et des différents massacres de Français pendant des révoltes ou révolutions qui semblent se succéder là-bas à un rythme effréné.

Bref, un île dangereuse pour nous et qui ne nous rapporte rien, si ce n’est des ennuis.

Par un hochement de tête, je fais mine à mes visiteurs que leur demande ne pose pas de difficultés à notre pays.

Bacon prend alors la parole : « Cela tombe bien. Dans tous les pays proches des Usa et du canal de Panama, nous souhaitons préserver la stabilité et la prospérité. Pour vous remercier, nous vous avons amené cette fameuse banane que vous ne mangez que rarement en France. C’est une « Gros Michel », variété la plus répandue et sans doute la meilleure. »

En dégustant ce fruit de dessert au goût bizarre, cette « figue banane » que nous ne trouvons que sur les menus de certains restaurants audacieux et chers de Paris, je repense un instant à ce peuple lointain, les Haïtiens, épris d’indépendance et violents contre tout oppresseur, riches d’une culture européenne et créole mélangée. Quelques centaines de milliers d’hommes qui parlent français, très loin, là-bas, derrière notre horizon et dont Paris se moque éperdument.

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