8 octobre 1919 : Une mauvaise paix ?

 » Si je m’étais énervé, on aurait dit que je n’étais pas diplomate. Je suis resté calme et maintenant, on insinue que je n’ai pas défendu suffisamment le pays !  » s’exclame le Tigre avec lequel je déjeune en tête à tête, comme souvent en début de semaine.

Le traité de Versailles – sujet fréquent de nos échanges – apparaît comme tous les actes diplomatiques : un laborieux compromis. Clemenceau, l’un de ses principaux auteurs, est attaqué sur sa droite, ceux qui pensent qu’il fallait être plus ferme avec l’Allemagne en démantelant totalement le pays et en instaurant un glacis territorial protecteur sous commandement allié. Et sur sa gauche, d’autres affirment que notre voisin ne pourra jamais payer les énormes réparations que l’on met à sa charge et déplorent l’humiliation – poison durable – subie par les vaincus.

J’aurais voulu les voir à l’œuvre, ces critiqueurs professionnels ! Mon bien-aimé patron n’avait pas les mains libres : l’Angleterre et les États-Unis avaient leur vision – pas la même et parfois évolutive – du but à atteindre et ce n’était pas vraiment la position française initiale. Il a fallu tout le talent de Tardieu et de Clemenceau pour ne pas se fâcher, pour construire, patiemment, un dénominateur commun.

Briand, Poincaré ou Foch font, de leur côté, payer au Tigre de ne pas avoir été associés à la négociation, d’avoir été délibérément tenus à l’écart du jeu diplomatique. Ils sont vexés comme des poux. Et rien n’est plus dangereux que les blessures d’orgueil. Briand passe son temps à comploter à la Chambre, Foch écrit des articles fielleux et Poincaré persifle de son château élyséen, dès que j’ai quitté son bureau. Il n’ose pas devant moi, connaissant ma vieille affection et mon dévouement total pour le Tigre.

Et je dois dire que les diplomates du Quai qui n’ont pas toujours été entendus non plus, ni sur les questions de méthode de négociation ni sur le fond des dossiers dont ils étaient chacun spécialistes, ne sont pas les derniers à insinuer, à créer le doute, à faire des sous-entendus malsains dans les dîners en ville ou anonymement auprès de journalistes avides de confidences. C’est terrible, cette République de fonctionnaires parfois si aigris !

C’est un travail de sape, profond, insidieux, qui est en cours.

La paix est mal partie…

La signature du traité de Versailles en juin 1919

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