» Je trouve que l’on me gâte beaucoup ; parfois, j’en suis ému et peut-être inquiet, car si je le mérite, c’est que je m’ignore ; et si je ne le mérite pas, c’est qu’on se trompe… Deux idées angoissantes ! »
Paul Valéry n’est sans doute pas encore connu du grand public mais sa notoriété monte en flèche dans les milieux littéraires. L’auteur de « La Jeune Parque » est invité de plus en plus dans les salons parisiens prestigieux. Les revues spécialisées se pressent autour de lui dans l’espoir de publier ses œuvres – trop rares – à la langue ciselée.
Paul continue néanmoins à garder une certaine distance, obsédé par la recherche d’une pensée précise, d’un Moi invariant et d’une conscience pure « qui fait songer invinciblement à une assistance invisible logée dans l’obscurité d’un théâtre. »
André Breton, Gide, Cocteau, Claudel, Mauriac, Anna de Noailles, Paul Morand, Aragon et tant d’autres reconnaissent son talent immense et sollicitent ses conseils, ses arbitrages ou son appui.
Gallimard, fier de le publier régulièrement, cède enfin en faveur de contrats d’édition plus protecteurs de ses droits d’écrivain. Il renonce par exemple à l’exclusivité et accepte de lui verser 13% – ce qu’il est considérable – par exemplaire vendu.
La poésie magnifique – » Odes » vient de paraître – côtoie une philosophie plus difficile d’accès : « L’introduction à la méthode de Léonard de Vinci » sort à nouveau, augmentée d’une longue » Note et digression » qui nous plonge dans une réflexion passionnante sur l’explication de l’acte de créer. Il y démonte patiemment les liens entre les artistes et leur œuvre et ceux existant entre la rigueur scientifique et le génie artistique.
Valéry rédige aussi deux articles qui feront date pour la revue britannique centenaire « L’Athenaeum ». On y lit notamment cette phrase qui ne cesse de nous interpeler, au lendemain de cette terrible guerre : » Nous autres, civilisations, nous savons désormais que nous sommes mortelles. »
