12 avril 1910 : Pologne meurtrie

 « On aurait voulu faire disparaître notre nation à tout jamais que l’on ne s’y serait pas pris autrement. » Henryk Sienkiewitz, le prix Nobel de littérature 1905, auteur de Quo Vadis, est reçu aujourd’hui à l’Elysée. Après les poignées de mains, les discours et les hommages, il m’explique, un verre de champagne à la main, le drame traversé par son pays, la Pologne. Éclatée entre trois empires, la Russie qui possède tout le Territoire de la Vistule (Varsovie, Lodz…) , l’Autriche-Hongrie où vivent les habitants de Cracovie et tout le reste de la Galicie et enfin la Prusse avec la Posnanie, la Pologne n’existe pas, n’existe plus.

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Varsovie dans les années 1900, 1910

En Russie ? La langue russe reste obligatoire dans les écoles, le clergé catholique est juste toléré et réduit au silence, les nouveaux monuments glorifient l’unité derrière Saint Pétersbourg. En Prusse, les fonctionnaires sont aussi tous allemands et diffusent la langue de Goethe dans la vie de tous les jours en s’appuyant sur l’idéologie du Kulturkampf. Seule l’Autriche-Hongrie admet une représentation politique des Polonais qui bénéficient d’un vice-roi en Galicie, membre du cabinet viennois.

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Varsovie en 1910

Nation éclatée administrativement mais aussi éparpillée entre provinces économiquement et socialement très diverses. La Galicie autrichienne demeure très rurale et un peu arriérée alors que les villes rattachées à la Prusse se développent grandement d’un point de vue industriel, suivies par celles sous domination russe. Des régions voisines comme la Haute-Silésie (prussienne) et le bassin de Dabrowa (russe) sont pourtant rivales alors que les Polonais y sont majoritaires.

Qui veut faire la Pologne ? Le mouvement national grandit mais là-aussi de façon multiple. Certains vantent les vertus du tri-loyalisme vis à vis des trois pays dominant la Pologne et espèrent grandir en leur sein. Ils restent conservateurs dans l’âme et pour eux, leur avenir passe par l’enrichissement de leur communauté. D’autres préconisent l’établissement d’une vraie nation sur des bases ethniques (excluant les nombreux Juifs des territoires concernés ?) en utilisant la violence ou au contraire, les voies démocratiques. On compte des socialistes, des agrariens, des nationalistes purs et durs et des populistes. Un homme comme Pilsudski entretient ni plus ni moins une véritable force paramilitaire de 10 000 fusiliers non loin de Cracovie tandis que Dmowski tente de soulever les Polonais de Prusse grâce à des actions antigermanistes audacieuses. Tout ce petit monde se déchire et l’établissement d’une grande Pologne cohérente et unifiée paraît loin.

En attendant, les Polonais émigrent en masse : en France ou aux États-Unis notamment. Entreprenants, courageux (on ne leur réserve pas les métiers les plus faciles), solidaires entre eux, ils forment des communautés fières de leur religion, de leur langue et de leur culture. Sienkiewitz conclut :

« Nous butinons les fleurs du monde entier et nous en faisons notre miel ! »

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Henryk Sienkiewitz

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6 commentaires sur “12 avril 1910 : Pologne meurtrie

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  1. Il y a comme même une altération du sens dans cet article. En effet, lorsqu’on parle du statut réservé aux territoires polonais faisant partie de l’Empire russe, il ne faut pas surtout oublier que le Royaume de Pologne avec le Grand-duché de Finlande y étaient les deux provinces bénéficiant d’une véritable autonomie et seules dotées de ses propres parlements et corps de loi. En même temps, l’aristocratie polonaise gardait ses titres de noblesse, en bénéficiant de l’intégration plutôt bien réussie dans la structure sociale de l’Empire

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  2. Cher Valz, l’aristocratie n’est pas le peuple. En France on est quand même bien placé pour le savoir. Si une certaine élite polonaise a pu trouver sa place dans l’empire tsariste ce n’est certes pas le cas de la masse de la population, sinon on serait en droit de se demander pourquoi il y a eu trois soulèvements majeurs en 75 ans (1830-1863 et 1905).

    Comme l’indique notre chroniqueur, le grand point commun de la domination allemande et russe est l’aspect central qu’a prise pour eux le contrôle de la langue, ils ont fait leur la devise « la langue c’est l’ennemi ». Heureusement leur pression reste à ce jour largement vaine, grâce à la résistance souterraine des polonais (notament en zone russe) qui font tout pour maintenir leur langue et surtout son apprentissage par la jeunesse.

    Catholicisme et langue polonaise, deux des principaux piliers de la culture polonaise sont intacts. Les bases d’une renaissance nationale sont là. Advienne le conflit pressenti par beaucoup entre l’ours russe et l’aigle allemand et il n’est pas exclu que du choc de ces deux titans ne surgisse en fin de compte une nouvelle Pologne.

    Bye

    Olivier Stable

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  3. Ma grande tante aujourd’hui décédée est née à Ober-Niewiadom en 191O Silésie je crois.j’aurais aimé avoir des images où des indications sur ce lieu qui a dû changer de nom.
    Je n’ai rien trouvé sur google.
    Si une personne peut m’aider, je l’a remercie par avance.

    ps:il faut bien être né quelque part….

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  4. Candidat possible :
    Il existe en Pologne un village du nom de Niewiadow mais il se trouve au centre-sud de la Pologne actuelle et donc à l’est de la Silésie.

    Référence : Google Earth

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