J’avais pourtant tout organisé. Le Président de États-Unis, Woodrow Wilson, devait se rendre, dans les prochains jours, en visite dans nos départements du nord-est, si éprouvés par les combats. Il nous paraissait important en effet, au sein du gouvernement, que celui qui allait négocier le traité de paix, au nom de la nation devenue la plus puissante de la planète, se rende compte, en visitant les champs de bataille, de ce qu’avait été ce conflit si épouvantable. Pour nos concitoyens de ces régions, pour nos soldats, cela devait aussi être un hommage rendu à leur courage et à leur patriotisme pendant toute la guerre.
Finalement, le chef de l’Etat américain ne fera rien. A son retour de sa tournée au Royaume-Uni, il restera sur Paris. Ses conseillers me disent même qu’il se serait mis en colère en lisant ma proposition de déplacement. Il estime, si j’ai bien compris, que ce voyage au milieu des territoires saccagés et des populations décimées, est une pression inacceptable exercée sur lui et apparaît comme une façon de lui faire perdre son nécessaire calme et sang-froid dans l’appréciation des futures décisions à prendre. Il aurait même proféré ces mots terribles : » Même si la France n’était plus qu’ un vaste trou d’obus, cela ne changerait rien au règlement final. « .
Ce refus américain me choque et je sais déjà que lorsqu’il sera connu, l’incompréhension de l’opinion publique française dominera.
A ce stade, Clemenceau me dit pourtant de me taire et de m’efforcer de ne surtout pas ébruiter ce camouflet que nous venons de subir. Nous avons grand besoin de Wilson pour obtenir un traité de paix le plus juste possible pour nous. Ce n’est pas le moment de se fâcher avec lui.

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