Repas de famille : mon frère lyonnais Benoît, son épouse Odile et leurs trois enfants nous ont rejoint ce jour. L’aîné de mes neveux, Clément, a été très brièvement incorporé et a commencé, dans le sillage de mon fils Nicolas, une formation de pilote d’aéroplane.
Le 11 novembre est arrivé presque « trop tôt » et il n’aura pas combattu dans les airs comme mon fils.
Pour les parents, l’essentiel est pourtant que leurs deux fils aînés soient en vie et intacts. C’est pour nous une chance inouïe. Pendant toute la réunion de famille, nous ne cessons de prendre nos deux grands garçons dans nos bras, les larmes aux yeux.
Nicolas nous raconte cependant les contacts un peu rugueux qu’il a parfois avec ses anciens camarades de lycée, persuadés – à tort – que les troupes aériennes ont eu moins de pertes que les régiments au sol. Ils n’ont pas en tête les statistiques effroyables que j’ai longtemps caché à ma femme concernant le nombre de jeunes pilotes morts au front. Nicolas et Clément s’exclament : » On ne va pas, tout de même, s’excuser d’être vivants ! « .
Ma belle sœur, institutrice, nous indique que, dans son école lyonnaise, sur les sept maîtres mobilisés, trois ne reviendront malheureusement jamais et un autre reste porté disparu (son épouse le cherche partout – « comme une folle » dit-elle – sur le front de l’est). Et sur les trois qui reprendront leur classe, un n’a plus son bras droit et utilise une prothèse. « En attendant, ce sont des très jeunes non titulaires qui enseignent, après quelques rudiments dispensés, à la va vite, par l’école normale. Certains n’ont en poche que leur premier bac ! » s’exclame Odile.
La France a gagné la guerre, est arrivée à son but de chasser l’ennemi de son territoire, mais dans quel état !