On dit que les animaux se cachent pour mourir.
Il en est peut-être ainsi de certains grands écrivains.Tolstoï est mort cette nuit, loin des siens, dans la gare perdue d’Astapovo où un train devait l’emmener dans les profondeurs du Caucase. Une pneumonie doublée d’une immense fatigue ont emporté cet esprit complexe qui aimait tellement la vie qu’il ne pouvait s’empêcher de souvent penser à la mort.
Tolstoï à la fin de sa vie à sa table de travail
Le sens de l’existence, le besoin ou l’éloignement des autres, le refus des convenances, la quête de la vérité et le refus du mensonge : tout cela se résout au moment de la mort imminente, ce grand passage déjà évoqué dans La mort d’Ivan Ilitch ou dans Anna Karénine.
Tolstoï est devenu un auteur fétiche pour les Français qui aiment ses grandes fresques réalistes, ses personnages qui nous paraissent si proches, ses histoires universelles qui touchent le cœur de chacun.
A-t-il rejoint Dieu, lui qui avait aussi refusé le religion orthodoxe et imaginait un christianisme épuré et renouvelé ?
Tolstoï écrivait dans son journal : « Il y a une chose que j’aime plus que le bien, c’est la gloire. Je suis si ambitieux que s’il me fallait choisir entre la gloire et la vertu, je crois que je choisirai la première. »
L’homme part seul, en pleine gloire et nous laisse réfléchir, sans lui, à l’infini, sur ce qu’est la vertu.
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Pour voir un film très bien conservé sur Tolstoï regoignez le sympathique groupe des amis du site » Il y a un siècle »
Et si nous revenions à nos cheminots grévistes récemment défaits? 🙂
Non pas pour dire qu’ils auraient dû s’allonger sur les voies et pratiquer la non-violence (au passage ce concept serait venue à Gandhi en partie par la lecture de Tolstoï avec lequel il correspondit par ailleurs peu avant sa mort) mais pour évoquer cette conférence-hommage à Tolstoï que donna Jaurès le 11 février 1911 à Toulouse, afin d’abonder à la caisse ouverte en faveur des cheminots révoqués suite à la grève.
Cela nous donne une idée de l’étendue de l’influence que pouvait avoir ce diable d’homme, capable de susciter l’admiration de personnalités aussi différentes que Gandhi et Jaurès.
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Extraits
« (…) La critique historique et rationaliste n’existe pas pour lui, et il combine d’héroïques révoltes et des soumissions d’enfant. Mais qu’importe! Il a cru à l’esprit, à la vie intérieure. Non seulement il peint en écrivain admirable des âmes tourmentés et profondes qui portent en elles, souvent à leur insu, l’angoisse secrète et l’enigme de la destinée. Mais quand il a réfléchi sur lui-même et sur le monde, il a proclamé, par-dessus toutes les combinaisons et complications de la vie moderne, une loi supérieur de simplicité, de vérité et de paix.
(….) On dirait un grand chimiste qui serait resté un grand alchimiste. Et voilà comment Tolstoï, prodigieux artiste, anarchiste et moine, contribue à révolutionner le monde par une force d’aspiration qui soulève les âmes, par une force de révolte à la fois archaïque et novatrice qui déconcerte les vieux pouvoirs. »
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Bye
Olivier Stable
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A lire aussi : « Tolstoï est mort » de Vladimir Pozner, aux éditions Christian Bourgois.
« Récit d’une agonie mythique
Il faut absolument lire ce livre d’une audacieuse simplicité. Un écrivain de 30 ans avec une manière franche d’aborder les choses, un sens aigu des faits, un regard légèrement en surplomb, rencontre d’emblée ce qui est, ou devrait être, la définition même de toute entreprise littéraire : l’accès immédiat à un monde d’émotion et de pensée. »
Danièle Sallenave, Le Monde, 5 février 2010
http://www.pozner.fr/vladimirpozner-actualites.html
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