4 mai 1910 : La lutte contre l’absentéisme scolaire

L’appel se termine. 47, 48, 49… Ils sont bien là, à leurs places. Certains parlent le provençal mais ils attendent l’enseignement de la République. Nous sommes mardi. La toilette du dimanche n’est pas loin et l’odeur de la classe ne nécessite pas l’ouverture fréquente des fenêtres.

Ernest Vigoureux est maître d’école depuis trente ans. De 1880 à 1910, il a occupé six postes d’enseignants. Souvent des classes uniques, comme il les aime. Il a d’abord vu des Bretons, puis des Flamands et a enfin rejoint sa région, son « coin », au peu au nord de Manosque.

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Pour que ses classes soient complètes, qu’aucune tête ne manque, il a fallu parfois batailler. Dans les années 80, c’était souvent les travaux des champs qui concurrençaient son enseignement. Il s’efforçait alors d’aller voir chaque paysan récalcitrant pour le convaincre que l’avenir de son fils (les filles, elles, venaient) passait par l’école. Parfois il fallait se fâcher et menacer de faire intervenir les gendarmes. La souplesse s’imposait aussi : les jours où manifestement tout le village était mobilisé avec les machines agricoles, eh bien, on fermait la classe discrètement après le déjeuner et Ernest allait lui-même donner un coup de main.

Il embrasse d’un regard les 49 petits Provençaux. Plus personne ne conteste son enseignement. Pas comme dans le Nord en 1890 où certains menaçaient au départ d’envoyer leurs enfants chez les sœurs s’il se montrait trop « laïque ». Là aussi, il avait fallu faire preuve de pédagogie, autant avec les familles qu’avec les jeunes têtes blondes. Il avait donc participé à l’organisation des fêtes locales, il tenait aussi les registres de la mairie et faisait son marché en serrant les mains tout en souriant à tous. Accueilli à son arrivée avec un peu de méfiance, Ernest Vigoureux avait quitté le Nord, cinq ans plus tard, sous les applaudissements de toute une population conquise par ses idées nouvelles, ses méthodes de lecture et de calcul efficaces et surtout ses résultats au certif’ (tous les présentés réussissaient).

Il finira sa carrière en Provence. Il connaît la langue. Il pense pourtant que cela ne servira plus à grand-chose dans dix, quinze ans. Elle ne sera bientôt guère parlée que par les vieux.

On se presse à l’école de la République. Tout le monde est là, tous les matins. Rien que des paires d’yeux attentives. Sur les bancs, on y compte bien, on y lit avec application et on y parle un bon français. Ernest Vigoureux est un heureux homme.

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Bonne nouvelle ! Ce site vient d’avoir un “petit frère” ! Un autre Olivier va connaître de drôles d’aventures… il y a trois siècles, à la cour du roi Louis XIV.

Un héros né dans des conditions mystérieuses, des intrigues et des complots dans l’entourage d’un monarque tout puissant mais vieillissant, des luttes de pouvoir impitoyables mais aussi une époque pleine de promesses malgré le poids des guerres, les famines encore fréquentes, les terribles hivers.

Une histoire qui prendra un peu plus la forme d’un “roman” que le site “Il y a un siècle” mais toujours le désir de vous divertir.

http://ilyatroissiecles.canalblog.com/

6 commentaires sur “4 mai 1910 : La lutte contre l’absentéisme scolaire

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  1. Personnellement, je fût un grand partisan, et un grand pratiquant de l’absentéisme. Que de chemins de traverses j’ai pris!, que de fuite dans les champs et les bois, que de jeune filles à la peau si claire…

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  2. Vous en avez bien profité, votre orthographe en pâtit un peu… L’absentéisme actuel est-il aussi satisfaisant que celui de papa? Béton, bitume, ordi…

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  3. L’absentéisme d’alors n’avait pas grand chose à voir avec celui d’aujourd’hui… Au moins, on savait où se trouvaient les gamins, et ce qu’ils faisaient.
    L’enseignant était une figure respectée: à cette époque mieux formé que le reste de la population, il était le tenant unique du savoir. Et il n’hésitait alors visiblement pas à mettre la main à la pâte après son service. Mais c’était une autre époque…

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  4. Vous avez raison Françoise, tout à tellement changé en quarante ans, mais ce n’est pas anormal. Ce qui est plus anormal, ou du moins regrettable, est que je ne suis pas certain que l’on ai franchement progressé… (du moins en France) (ailleurs je ne sais pas)

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  5. « Il finira sa carrière en Provence. Il connaît la langue. Il pense pourtant que cela ne servira plus à grand-chose dans dix, quinze ans. Elle ne sera bientôt guère parlée que par les vieux. »

    ———————–

    « Degun à lou poudé de tua li lèngo que volon pas mouri ! »(*)

    Voilà notre réponse à nous, les félibres (**) provençaux, à tous ces instituteurs qui pourchassent jusque dans les cours de récréation le moindre mot provencal sortant de la bouche de nos enfants et qui prétendrent éradiquer notre culture.

    Bye

    Olivier Stable

    (*) : Traduction très approximative « Personne ne peut tuer la langue que nous ne voulons pas voir mourrir »

    (**) : La Félifrige est une association littéraire provencale fondée en 1854 par Frédéric Mistral et six autres camarades un peu moins connus.

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