13 avril 1910 : Ne pas humilier une Grèce en faillite

« Il ne faut pas humilier les Grecs ! » Petit pays récemment reconstitué sur une partie des décombres d’un Empire Ottoman finissant (traités d’Andrinople et de Londres de 1829 et 1830), peuple qui s’est fait remarquer par une courageuse guerre de Libération de plus de huit ans qui a tenu en haleine toute l’Europe, la Grèce de Georges 1er est aujourd’hui exsangue financièrement.

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Le roi des Grecs, épris de démocratie, Georges 1er

Rien ne va : les recettes fiscales restent structurellement inférieures au train de vie d’un État imprévoyant et prompt à s’engager dans de nouvelles et coûteuses aventures guerrières (le mythe de Grande Grèce ou Ιδέα Μεγάλη); les élus et les partis politiques de cette petite démocratie distribuent de façon clientéliste les nombreux emplois publics (les Grecs ont un nombre ahurissant de fonctionnaires) ; les services fiscaux ressemblent à une grande passoire incapable de quadriller des territoires qui dissimulent chaque fois qu’ils le peuvent, leurs maigres richesses ; l’instabilité politique (58 gouvernements depuis 1864) bloque toute réforme de fond en limitant l’horizon des ministres au très court terme ; la charge de la dette s’alourdit et les bailleurs de fonds internationaux, inquiets sur les perspectives de remboursement, n’acceptent plus de prêter qu’à des taux élevés.

Le conflit avec la Sublime Porte de 1897 au sujet de la Crète qui s’est traduit par une déroute militaire grecque, oblige le royaume à payer une somme de quatre millions de livres turques.

Bref, la Grèce est aux abois.

Je suis chargé ce jour de proposer au gouvernement des mesures d’accompagnements qui traduisent l’indéfectible soutien de la France à une nation amie et berceau de notre culture. Les consignes d’Aristide Briand – « il ne faut pas humilier les Grecs » – doivent trouver dans mes propositions une forme concrète.

J’indique tout d’abord que la présidence de la Commission internationale de contrôle des finances publiques doit revenir à une France bienveillante (elle est le plus gros bailleur de fonds et les emprunts sur la Place de Paris se font dans des conditions encore relativement favorables), puis je propose l’accord gouvernemental à l’émission de plusieurs tranches d’emprunts destinés aux investissements lourds et enfin, je suggère que nous soutenions discrètement la carrière du prometteur premier ministre crétois Eleftherios Venizelos et que nos banques intensifient leurs prises de participation dans l’économie locale en injectant ainsi des capitaux frais, placés durablement.

Pendant que j’écris, je pense un instant aux paysans du Péloponnèse cueillant paisiblement leurs olives non loin des enfant pieds nus gardant leurs chèvres et aux marchands plein d’entrain des bazars d’Athènes : tout ce petit monde devine-t-il que son sort se règle actuellement sous la plume d’un fonctionnaire parisien qui n’a mis les pieds chez eux qu’avec un guide Joanne bleu en regrettant amèrement que les rares panneaux de direction soient rédigés dans une langue décidément trop éloignée de celle apprise sur les bancs du lycée ?

5 commentaires sur “13 avril 1910 : Ne pas humilier une Grèce en faillite

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  1. La Grèce a besoin d’un Trésor bien remplie afin de pouvoir enfin disposer, comme le réclame les jeunes officiers de la ligue militaire, d’une armée bien équipée et entraînée, alors même que les menaces s’accumulent du côté des Balkans…..

    Don’t worry, nous somme bien en 1910 et non 2010 🙂

    Bye

    Olivier Stable

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  2. Symboliquement, c’est une perte de souveraineté et une humiliation pour la Grèce. Leur budget sera sous tutelle du FMI et de l’Europe pendant des années. Le FMI arrive traditionnellement quand les choses vont mal et apporte de mauvaises nouvelles. Il conditionne son aide au fait que le pays se serre la ceinture. De plus, l’institution internationale est redoutée car sa gestion des précédentes crises en Argentine et en Asie a été critiquée.

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