27 novembre 1909 : Le scandale de la Marseillaise chantée en patois

  « Marcheu, trou de Diou, Marcheu, pétard de Diou ! » On sent que le recteur qui a dû reproduire ces propos dans sa note, s’est étouffé de colère. La demande de financement de 300 000 livres de chants par ce haut responsable de l’Instruction Publique s’appuie sur la volonté de faire mieux pénétrer la langue française dans l’ensemble de nos régions. «  Il n’est pas admissible que la Marseillaise puisse être entonnée avec des couplets en provençal complétant les fières paroles de Rouget de Lisle écrites pour l’armée du Rhin pendant les grandes heures où il fallait sauver la République. » ajoute-il, lyrique.

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En Provence, dans le Quercy ou dans toutes les autres régions de France, on chante en patois pendant le travail…

Son programme ? Distribuer largement aux instituteurs de France des ouvrages permettant de faire chanter en français irréprochable les villageois dans des orphéons ou autres chorales guidées par une foi républicaine inébranlable.

Le ministère des Finances s’oppose naturellement à cette dépense jugée inutile. Les arguments employés par les cerbères de la rue de Rivoli ne manquent pas de pertinence :

« Pourquoi diffuser largement des ouvrages payés par des deniers publics pour soutenir notre langue nationale alors que les patois et autres dialectes locaux disparaîssent naturellement ? Les jeunes des campagnes se moquent des vieilles ritournelles en patois de leurs grands-pères et préfèrent les mélodies et les danses issus des cabarets, des spectacles de Music-Hall ou de l’opéra comique de la ville. Les jeunes gens se rendent aussi dans des cafés concerts qui ne sont plus le monopole des grandes villes et en reviennent en pratiquant un excellent français. Ceux qui diffusaient les vieux chants comme les bardes et les ménestrels en Bretagne ou les chiffonniers, les sabotiers et les colporteurs dans toutes les régions, vieillissent et sont de moins en moins nombreux. Autrement dit, tout laisse penser que l’hymne national cité par Monsieur le recteur réclamant des crédits, sera de moins en moins écorché par les écoliers ou les conscrits. »

Après réflexion, je décide de trancher ce conflit entre ministères en étant un peu facétieux.

Je commence mon courrier de réponse le plus sérieusement du monde en indiquant qu’« il va de soi que la dépense proposée par l’Instruction Publique ne revêt pas de caractère prioritaire » et comme cela me gêne de donner raison trop facilement aux collègues de la rue de Rivoli j’ajoute : « les arguments développés par le ministère des finances laissent percer une inquiétude : la disparition à terme des cultures locales. La Présidence du Conseil propose donc la commande de 300 000 livres de chants provençaux, bretons, béarnais, basques ou du Quercy. » Et je m’empresse de signer le document portant le sceau de la place Beauvau en beuglant assez haut pour étonner ma secrétaire :  « Marcheu, trou de Diou ; Marcheu, pétard de Diou !»

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6 commentaires sur “27 novembre 1909 : Le scandale de la Marseillaise chantée en patois

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  1. ‘Adieussiatz, Tiens c’est peut-être pour ça que je peux pas la blairer, cette Marseillaise. ‘

    Cela les dérangerait ces gens, de faire preuve d’un minimum de respect pour nos symboles nationaux. Apparemment c’est soi sur les blogs du monde soit dans les stades de foot qu’on leur manque le plus de respect. Une corrélation quelconque à envisager peut être?

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  2. Un hymne national chanté en différent patois perd tout son sens unificateur, national. On a la culture républicaine de l’unité et de l’indivisibilité d’un peuple, ou on préfère le parcellaire et exciter les différences par le conservatisme local.
    Vive la solidarité, vive l’unité !

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  3. en un sens, le scribe n’avait pas tort, mais ce serait une bien belle chose si les élèves avaient appris la langue française au… café-concert. En réalité s’ils finirent par la connaître c’est seulement : parce qu’on leur fit entrer la langue française dans la tête, à coups de règle sur le bout des doigts. Et ce : à chaque fois qu’ils parlaient patois.

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  4. Eh oui, ce n’est pas d’aujourd’hui que le magnifique chant de résistance à l’oppression (personnellement, cependant, je préfère le Chant du Départ) est associé à l’arbitraire. Mais chut… il ne faudrait pas froisser ceux qui confondent symboles et reliques. Ni ceux pour qui c’est tous les jours le 11 Novembre.
    Respecter un symbole national, c’est fermer sa gueule, même lorsqu’il est malencontreusement associé à une injustice.
    Cornediou, c’est compris M. Rasbora?

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