» Je ne me rendais pas compte que nous en avions autant ! » Cette phrase prononcée il y a quelques années par un nouveau ministre des colonies regardant nos possessions sur une carte, est révélatrice. La construction de l’Empire colonial français se fait dans l’indifférence générale et nos compatriotes se désintéressent largement de ces 10 millions de kilomètres carrés (20 fois la France métropolitaine) et des 45 millions d’âmes qui y vivent.
Une plantation d’arbres à caoutchouc dans le Congo français. Cet article est la suite de l’abécédaire sur notre époque, commandé par la direction du journal Le Temps.
L’expansion coloniale rencontre des adversaires farouches. Personne n’a oublié Clemenceau répondant à un adversaire : « Vous voulez faire l’Empire en Indochine, je veux faire la République en France ! » ou bien » Je me méfie de la notion de races supérieures depuis que j’ai lu que des scientifiques germaniques expliquent notre défaite en 1870 par le fait que les allemands constituent une race supérieure à la race française ! »
La conquête du Tonkin
Gaspillage d’argent public, dispersion de nos efforts qui devraient se concentrer sur la Revanche, exploitation scandaleuse et maltraitance des indigènes ; les anticoloniaux savent faire entendre leurs arguments. Grâce ou à cause d’eux, l’Empire s’est constitué quasiment sans moyens : les régiments envoyés outre mer sont peu nombreux, les transferts de capitaux faibles, les subventions accordées dérisoires. L’Empire est rentable parce qu’il ne nous coûte rien ou presque et nous rapporte déjà beaucoup : matières premières, débouchés commerciaux, zones de peuplement pour les paysans sans terre de métropole, renforts de troupe…
L’Empire colonial français
Alors que l’opinion publique adulte sait à peine ce qui se cache derrière les sigles comme Aof (Afrique occidentale française), les jeunes générations qui ne votent pas encore, découvrent « la plus grande France » dans leurs manuels scolaires. Avec de magnifiques cartes, des illustrations qui font rêver, des commentaires accrocheurs, des milliers d’écoliers découvrent nos possessions d’outre-mer. Les instituteurs, dont beaucoup sont persuadés que la colonisation est un bon dérivatif au socialisme, enseignent l’Empire colonial avec fougue. A des enfants qui ont besoins d’idéaux, de vastes horizons et de grandes ambitions, ils proposent un discours structuré autour d’idées simples mais facilement mémorisables. Les colonies sont, pour eux, la grandeur de la France et permettent à nos concitoyens de diffuser la Civilisation à des populations qui l’attendent avec impatience.
Le parti colonial mené par le député et ancien ministre Eugène Etienne et qui compte de grands noms comme Poincaré, Deschanel ou Doumergue, se plaint d’avoir peu de journaux acquis à sa cause. Il ne se rend pas compte que le mouvement de propagande coloniale en cours dans les milliers d’écoles des départements du pays, est plus profond et sans doute plus efficace que n’importe quelle campagne de presse. Dans vingt ans, n’en doutons pas, toute la France sera fière de son vaste Empire et chacun pourra situer sur une carte Tombouctou ou Zanzibar !
Le « parti colonial » est présidé par Eugène Etienne
Bonjour,
Très intéressant résumé, mais la citation de Clémenceau est incorrecte.
Cordialement,
D. Grenez
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Bonjour D. Grenez
Merci pour votre compliment.
Pour ce qui est des propos de Clemenceau, je vous confirme avoir entendu cette phrase. J’ai servi ce grand homme plus de douze heures par jour pendant trois ans et j’ai noté sur un petit carnet des centaines de (bons) mots dont je fais maintenant profiter mes lecteurs.
Je vous concède cependant que ce n’est peut-être pas cette citation exacte qui passera à la postérité et qui se trouvera dans les livres d’histoire des années 2000.
Bien cordialement
Olivier le Tigre
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ALORS ZANZIBAR ETAIT UNE COLONIE FRANCAISE???
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Et non, Zanzibar, plus exactement le sultanat de Zanzibar, était un protectorat britannique depuis 1890… Je n’ai pas parlé du « grand rival », l’Empire de sa gracieuse Majesté.
Tombouctou et Zanzibar… cela sonne bien et ce sont deux villes mythiques que les petits Français gagnent à connaître, en 1909 comme en 2009.
L’auteur
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La colonisation qui conduisit à la découverte et au traitement des maladies tropicales grace à l’héroïsme de toute une génération de médecins militaires devint vite une concentration de turpitudes dénoncées avec talent par André Gide (Voyage au Congo), mais pour que cela ait 100 ans, il va falloir attendre un peu !
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Bravo pour ce blog que je lis régulièrement avec beaucoup d’intérêt et (ce qui ne gate rien) avec le sourire. Surtout continuez !
Une petite réserve cependant sur cet article. Contrairement à une opinion trop répandue (par les partisans du colonialisme aussi bien que par leurs opposants), la colonisation n’a jamais été rentable.
Depuis 1909, les travaux des Jacques Marseille, Daniel Lefeuvre et autres Bernard Lugan ont montré que la colonisation a toujours coûté à la France bien plus qu’elle n’a rapporté : infrastructures à mettre en place, envoi de troupes, marchandises payées bien trop cher, etc.
Cordialement.
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Les enseignants n’étaient pas défavorables à la colonisation. Une preuve ? Les cartes sont celles que je voyais encore sur les murs de mon école dans les années 50. Emotion !
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