23 juin 1909 : La France sous la menace d’une épidémie ?

« La douleur augmente et devient difficilement supportable. L’homme se regarde dans une glace. Le bubon qui a grossi au niveau cervical prend une forme plus allongée ; il est rempli d’un liquide contenant des germes qui semblent se répandre dans le corps. La fièvre augmente, chaque mouvement devient plus difficile. L’appétit a disparu et l’ingestion d’eau ou d’aliments se révèle très pénible. Si la peau autour du bubon a rougi, elle blanchie et se nécrose ailleurs. L’homme a les traits tirés, sa respiration sifflante le fatigue de plus en plus…  »

J’interromps Alexandre Yersin, médecin du corps de santé colonial qui me décrit, avec force détails, les symptômes de cette maladie terrible qu’est la peste. C’est lui qui a découvert, il y a une quinzaine d’années, le bacille à l’origine de ce fléau légendaire. Directeur des instituts Pasteur de Nha Trang et de Saïgon, il continue ses recherches pour aboutir à un traitement.

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La maison d’Alexandre Yersin à Nha Trang en Indochine

 » En attendant, le monde entier est soumis à un risque d’épidémie. Hier la Californie et le Japon, aujourd’hui Madagascar et Java, demain, ce peut-être Marseille ou Paris. Il suffit de quelques puces et de rats contaminés ou d’une viande avariée et infectée vendue à plusieurs familles… Les victimes se compteront par centaines : des jeunes en pleine forme basculeront d’un coup dans un état lamentable, l’économie s’arrêtera, les gens se cloitront chez eux, les médecins ne seront pas assez nombreux pour faire face et aucun traitement sérieux ne sera disponible.  »

Yersin parle avec de grands gestes. Il veut me convaincre de faire organiser une surveillance renforcée des principaux ports français par la police ou la douane. Il fait allusion aux mesures efficaces décidées contre la propagation du choléra en 1884. A cette époque, des mesures spéciales de désinfection avaient été prises dans la gare de Lyon même, vis à vis des voyageurs en provenance de Marseille ou de Toulon, villes touchées par l’épidémie en provenance de l’Italie.

Je réponds que la peste n’est pas le choléra et qu’il convient d’éviter d’affoler la population par une action trop visible des pouvoirs publics :

« Il faut agir discrètement. Nier publiquement les risques, éloigner la presse, rassurer tout le monde… tout en préparant discrètement le corps médical et les forces de l’ordre. »

Yersin s’exclame :

 » Vous ne croyez pas qu’un langage de vérité est plus respectueux de nos concitoyens ? Comment être rassuré par un Etat qui ne diffuse pas l’information en sa possession ? Tout finit par se savoir et ceux qui ont caché les faits perdent leur crédibilité.  »

La peste, le choléra, une grande grippe, la variole… Et puis quoi encore ? Le malheur rôde… mais l’information n’a pas quitté mon bureau.

Dehors, il fait beau, les enfants s’amusent dans les squares, les mères promènent leurs bébés, les cols blancs se rendent d’un pas pressé à leur bureau par cette belle journée de juin, les amoureux s’embrassent sur les bancs publics.

Je préfère garder pour moi les propos confiés par Yersin. Il exagère, j’en suis sûr. Je croise les doigts… je le raccompagne jusqu’à la sortie et passe à un autre dossier, en sifflotant.

3 commentaires sur “23 juin 1909 : La France sous la menace d’une épidémie ?

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  1. Joli dilemme, toujours d’actualité et dans bien des domaines.
    A noter que la presse, et bien entendu la télévision ne font -heureusement – pas partie des considérations de votre héros et de Yercin. C’est fou ce que ce manque permet de ne traiter que l’essentiel du problème.
    Ce qui ne m’empêche pas d’être un fidèle abonné du Monde. Ben oui…

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  2. Le vaccin antigrippe est chaque année LE produit à grosse marge des labos.
    Quel bénéfice pour les laboratoires pharmceutiques de vacciner toute l’Europe ?
    C’est aussi une question qu’il faut se poser pour peser la validité de l’information.
    Votre prochain article pourrait être :
     » Pandémie à tout prix ».
    Alors, on nous cache tout ? on exagère tout ? l’information est-elle influencée ? Professeur Machin est payé par qui ? Journliste Truc roule pour quoi ?

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