12 mai 1909 : Pas d’hommes grands dans la police !

– 1m71 ! Je mesure 1 mètre 71 et pour le préfet de police Lépine, je suis trop grand.

Jules Belin, bachelier, sous-officier pendant son service militaire, a brillamment réussi les examens de sélection pour devenir inspecteur à la préfecture de police. Un garçon intelligent qui sait rédiger, analyser, exposer clairement sa pensée avec de bons arguments.

Il a toute les qualités sauf une : il est trop grand. Le préfet de police n’accepte, dans les effectifs de sa police judiciaire, que des hommes de taille moyenne, capables de se fondre parfaitement dans la population. Et 1 mètre 71, c’est deux centimètres de trop pour faire un bon limier du Quai des Orfèvres.

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Le préfet de police Louis Lépine (à gauche sur la photo) pratique un examen dit « de binette » avant tout recrutement pour la police judiciaire et les hommes trop grands sont recalés.

Notre pauvre Jules Belin s’est rabattu sur un poste de secrétaire de commissaire dans un obscur poste de police de quartier et lit dans les journaux les exploits des candidats au concours qui avaient la bonne idée d’être plus petits que lui.

Mais Belin n’est pas homme à se laisser abattre : il a écrit à Georges Clemenceau et a su, par une lettre bien troussée, convaincre celui-ci de le faire convoquer par son cabinet.

En face de moi, il me regarde dans les yeux et me demande ce que je peux faire pour lui. Lui obtenir un poste, de force, à la préfecture de police ? Je préfère éviter un incident avec Lépine. Il me vient en revanche une autre idée.

– Si vous quittiez la préfecture de police pour rejoindre la Sûreté nationale ? Nous sommes en train de faire grossir les prestigieuses brigades mobiles. Le directeur de la sûreté, Célestin Hennion et le chef de ces brigades, Jules Sébille, se moquent de votre taille. Pour dégringoler un rade (Ndlr faire une descente dans un bar) ou plumer une piaule (Ndlr pénétrer dans une chambre par effraction avec un pied-de-biche ), seule la compétence compte. Je vais leur transmettre votre dossier pour que vous puissiez poursuivre votre carrière dans des eaux plus hospitalières.

La demande de mobilité de Jules Belin est donc transmise à Célestin Hennion.

Trois jours plus tard, je reçois la réponse -positive – du prestigieux patron policier. Celui-ci s’est même fendu du commentaire suivant :

 » 1 mètre 71 ne pose pas de difficulté dans le poste proposé à la 10ème brigade mobile de Lyon.

Je vous remercie, monsieur le conseiller, de m’adresser toutes les candidatures d’hommes de haute taille qui croupissent à la préfecture de police. Leurs grandes jambes nous sont particulièrement utiles dans des brigades dites « mobiles » qui, en 1909, par la faute des bureaux de la rue de Rivoli, ne sont toujours pas pourvues d’automobiles ! »

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La place Beauvau, qui dirige directement la Sûreté, est plus accueillante pour les grands que la Préfecture de police. Quant à Jules Belin… il fera une fort belle carrière dans la Sûreté et fera partie des policiers dont s’inspirera Simenon pour créer le personnage de Maigret.

Un commentaire sur “12 mai 1909 : Pas d’hommes grands dans la police !

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  1. Des rectificatifs à cet article :

    – Il n’a jamais pas débuté en qualité de secrétaire mais d’inspecteur des commissariats de quartier.
    – Il n’est pas affecté à la 10e Brigade mobile de Lyon mais à la 1e de Paris
    – Il évoque, selon les critères qu’il prête à Lépine, une taille maximale de 1m67 et non 1m69.

    (cf. Trente ans de Sûreté nationale, Bibliothèque France-Soir)

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