2 mars 1909 : Les Américains restent à Guantanamo

 » Fondamentalement, les Etats-Unis  demeurent très attachés à la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes ! »

Je ne peux m’empêcher de sourire pendant cette discussion avec l’ambassadeur de France à Washington, Jean Jusserand. Ma réponse est peut-être plus désabusée que je ne le voulais au départ :

-Vos conclusions sont un peu hâtives. Effectivement, nous constatons que les troupes fédérales évacuent Cuba après quelques années de présence consécutive à la victoire sur les Espagnols et la libération de l’île. Mais croyez-vous un instant que la nouvelle puissance américaine se laisse guider uniquement par le respect de grandes valeurs ?

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A la suite de la victoire sur l’Espagne en 1898, les Usa se trouvent à la tête de territoires situés dans le monde entier : Cuba, Philippines, Guam, Porto-Rico. Autant de bases de ravitaillement pour l’Us Navy.

– Par rapport aux pays européens qui essaient tous d’être à la tête d’immenses empires et instaurent une domination totale sur des peuplades indigènes qui ne sont pas consultées, les Usa essaient un mode d’expansion plus subtile. Les Cubains restent libres.

– Quand vous relisez l’amendement « Platt »qui fixe les conditions du retrait des troupes américaines de Cuba, vous pouvez douter que l’île sera totalement libre. Elle ne pourra rien faire d’important sans l’accord des Etats-Unis. C’est un protectorat qui est en fait instauré.

En outre, les Américains conservent la base de la baie Guantanamo pour ravitailler leurs navires en charbon et les héberger le cas échéant.

– Mais ils la louent cette base ! Je suis d’accord que Washington met bien en place un système à travers le monde pour asseoir sa puissance. A la suite de sa victoire dans la guerre hispano-américaine de 1898, le traité de Paris lui donne les Philippines, Guam, Porto-Rico et Cuba. Sur ces différents territoires, les Américains bâtissent des bases navales  comme appui de leur nouvelle et puissante Us Navy. Ils s’assurent juste que ces pays ne se dotent pas de gouvernements hostiles mais ils les laissent, progressivement, décider de leur destin.

– M. Jusserand, pensez-vous un instant que le protectorat sur Cuba ne posera jamais de difficulté aux habitants concernés ? Ont-ils été consultés dans le traité de Paris ? Certainement pas. Avec Guantanamo, cette possession située sur le sol même de l’île et qui échappe à tout contrôle en dehors du leur, nous voyons bien que les Américains pratiquent dans les relations internationales le même cynisme que leurs grands frères européens.

– Vous trouvez que les Européens peuvent être fiers de faire travailler les Noirs comme cela se pratique, par exemple, au Congo ? Depuis la Guerre de Sécession, jamais les Américains ne se permettraient de tels agissements.

Un peu à court d’argument, je rétorque :

– Juridiquement et sur une longue durée, le protectorat sur Cuba n’est pas tenable. Un jour ou l’autre, les Cubains voudront une liberté totale… sauf s’ils deviennent eux-mêmes Américains. Et vous verrez que sur la base de Guantanamo, les Etats-Unis feront peut-être un jour des choses peu recommandables !  

3 commentaires sur “2 mars 1909 : Les Américains restent à Guantanamo

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  1. Bonjour,

    Merci encore une nouvelle fois pour nous faire revivre le monde de cette époque. Les commentaires du billet précédent ont-ils été fermé suite á des réactions outrées (injustifiées) ou en en tant q

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  2. Ce n’est pas tant Cuba qui me semble significatif dans la liste des possessions américaines mais plutôt celle du Pacifique. Et à y regarder de plus près, voyons la liste dans l’ordre : Porto Rico, Guantanamo, Hawaï qui est déjà une possession américaine, Guam, les Philippines et au bout du voyage… la Chine! Il manque dans le puzzle, le canal de Panama qui va bientôt ouvrir. L’Amérique a toujours regardé vers l’ouest son expansion. Et au bout du far West, c’est le potentiel et formidable marché de la Chine qui intéressait les investisseurs américains comme débouché de leur industrie.
    Théodore Roosevelt a lancé la flotte « Blanche » dans le but de sécuriser cette nouvelle route depuis la côte Ouest mais surtout depuis la côte nord Est, foyer industriel. Les cuirassés qui fonctionnaient au charbon ainsi que la flotte commercial, avaient besoin d’escales pour ravitailler les bateaux. Parce que, quoiqu’on en pense, la traversé du continent, même en chemin de fer, était longue et ne permettait pas encore le transit d’immense quantité de marchandise.
    Il se trouve que les Espagnols étaient sur cette route car, déjà au XVI siècle, la monarchie Catholique visait les richesses de l’empire du milieu. L’impérialisme économique des USA ne date pas de l’ancien président Bush.

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  3. A Ben : les américains arriveront trop tard, en Chine, je pense. Mine de rien, pour une fois, nous nous sommes bien placés avec nos colonnies d’Indochine. Et les anglais sont à Hong Kong… Je ne pense pas que les américains pourront compenser ce retard, même avec leurs alliés japonais.

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