20 décembre 1908 : Pu Yi, deux ans, Empereur de Chine

Il est sept heures. Comme tous les enfants du monde, le garçon de deux ans se frotte les yeux et se cache encore un instant sous sa lourde couverture de laine qu’il rabat au-dessus de son drap. Les premiers rayons du soleil réchauffent la ville où la température est tombée à – 10°C pendant la nuit.

Comme tous les enfants, le petit garçon se lève, il a faim.

A ce moment, comme chaque jour, ce qu’il vit comme un cauchemar recommence.

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Pu Yi, ce nom d’Empereur que personne, à la Cour, n’a le droit de prononcer, en signe de respect…

Sa maman n’est pas là. Il ne sait pas vraiment pourquoi. Seule sa nourrice Wen-Wang s’approche de lui. Une dizaine d’autres personnes qui n’osent le regarder se prosternent jusqu’au sol. Un bruit de tambourin rythme chacun des déplacements dans la pièce.

On lui retire ses vêtements de la nuit pour lui faire enfiler un habit plein de couleurs mais lourd pour le petit homme qu’il est encore.

Un serviteur lui présente une bouillie qu’il goûte et qu’il refuse finalement en jetant sa cuillère par terre. Immédiatement, un autre bol avec une autre mixture lui est offert pendant qu’une vieille femme nettoie prestement le sol.

Il mange alors lentement, silencieux, en rêvant que sa nourrice lui fasse un petit câlin. Celle-ci se tient toute droite, à distance, et ne s’approche que si la nourriture vient à manquer. Il regarde implorant dans sa direction. Wen-Wang comprend la demande mais n’ose enfreindre la règle imposée par l’étiquette de la Cour. Elle baisse la tête embarrassée et joint les mains.

Le petit garçon crie plusieurs fois :  » je veux maman !  » et jette son chausson à la figure de l’eunuque le plus proche. Les serviteurs, affolés, se retirent avec force génuflexions et laissent seule Wen-Wang.

La nourrice sait qu’elle a alors le droit d’approcher le garçonnet et de le tenir dans ses bras pour l’apaiser.

Elle sent bon, Wen-Wang. Elle est douce. Ce n’est pas maman mais c’est mieux que ces serviteurs bizarres qui ne cessent de se prêter à des cérémonials incompréhensibles. Le jeune enfant se blottit et se frotte contre le corps chaud de Wen Wang, cherchant un peu plus de tendresse encore.

Le regard embué de larmes, il cherche à se rappeler le visage de sa mère, le son de sa voix, les bruits familiers de la maison où il était avant.

« Avant »… quand il n’était pas encore Pu Yi, le nouvel Empereur de l’immense Chine.

2 commentaires sur “20 décembre 1908 : Pu Yi, deux ans, Empereur de Chine

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  1. Je viens de découvrir ce blog par le plus grand des hasards, grâce à cette dernière entrée qui me concerne un peu plus que les autres, dans la mesure où j’habite en Chine depuis de nombreuses années.

    Félicitations pour ce blog de qualité, dont le concept est tout simplement génial – original et simple à la fois.

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  2. Bonjour;
    Je suis tombé sur votre note d’Octobre 2007 consacrée à Loisy. Ce n’est pas sisimple. Oui, la crise moderniste fut réprimée par le Vatican -Encyclique Lamentabili, non citée- mais les modernistes hésitent dans leurs premiers textes entre une foi fervente quoique non ecclésiale, et un éloignement sans rupture avec le Christianisme,mais avec  » l’Eglise catholique », dans les derniers.
    Loisy, au soir de sa vie, dans un texte intitulé Un Mythe apologétique, dirigé à juste titre contre le jeune Jean Guitton , répète qu’il n’évacue pas la question de Dieu, et cdela n’a rien d’une précaution oratoire. Pour la période qui nopus intéresse, celle de l’Evangile et l’ Eglise, le meme note qu’il entend adopter la structure de L’ Essence du Christianisme, de Harnack , protestant fervent, à ce qui lui semble etre la problématique de l’ Histoire du christianisme. Et l’homme qui accepte les diverses sanctions du Cardinal guichard -etre publié non chez Picard, mais chez l’Auteur, par exemple- n’est pas paradoxalement un hypocrite restant dans l’ Eglise pour des raisons pécuniaires. Ce qu’il y a de vrai, c’est qu’une étude globale du modernisme, de ses courants aussi cachés que persécutés, reste à faire. De meme l’édition de la Correspondance de Loisy, et un travail sur les Mémoires de ce dernier.
    Je tacherai de rejoindre votre sujet une prochaine fois.
    BIen à vous.
    M.Court

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