16 novembre 1908 : Les quatre assassinats du duc de Guise

Il est huit heures, un froid matin de décembre. Quarante-cinq gentilshommes sans fortune, à la solde d’Henri III, se cachent derrière des tentures du cabinet vieux et de la chambre du roi du château de Blois. Ils sont armés et décidés.

Le souverain vient de vérifier lui-même la qualité des lames et a donné ses dernières consignes. Il retourne assister à son Conseil.

Quelques instants plus tard, le duc de Guise, le puissant chef de ligue, fier du haut de ses presque deux mètres, traverse la chambre principale pour rejoindre le cabinet où on lui dit qu’Henri III l’attend.

Arrivé dans la pièce, il ne trouve pas ce dernier et rebrousse chemin. Il doit alors faire face à huit hommes, épées ou poignards à la main, qui se jettent sur lui. Il se défend comme un diable et entraîne la meute, tout ensanglanté, dans la chambre du roi où d’autres spadassins lui portent des coups fatals.

Le duc s’écroule dans un dernier râle, en tentant de se protéger avec des coussins marqués d’un grand « H » majuscule.

 » On la refait ! »

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Scène du film  » L’assassinat du duc de Guise  » d’Henri Calmette et Charles Le Bargy : sortie en salle le 17 novembre 1908

Henri Calmette veut un beau film. Pas une oeuvre burlesque, une grosse farce comme ce que produit actuellement l’industrie du cinématographe. Assez des tartes à la crème et des râteaux qui frappent la face de personnages ridicules ! Vive les pellicules d’une qualité égale à celle du meilleur théâtre.

Les plus grands acteurs du moment sont là :

Charles Le Bargy joue Henri III et coréalise.

Le grand et musculeux Albert Lambert est encore allongé et devient, hors caméra, un duc de Guise rieur, bien éloigné de l’homme assassiné d’il y a cinq minutes.

Non loin de là, quelques curieux aperçoivent la très belle brune Gabrielle Robinne, vingt-deux ans, qui joue une marquise de Noirmoutier éplorée, incapable de convaincre son cher duc d’éviter la convocation piège du roi.

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Gabrielle Robinne

« Vite on la refait !  » répète Calmette. Le duc se relève, traverse les pièces du château une seconde fois et retombe avec abnégation sous les coups des mêmes spadassins… qui peinent à cacher leur fou-rire.

Au quatrième assassinat, le réalisateur n’est toujours pas satisfait. Henri Lavedan, le scénariste,  et Paul Lafitte, le réalisateur, tentent de le rassurer :  » la musique de Camille Saint-Saëns fera oublier les imperfections. Le public n’a jamais vu un film d’une telle qualité. Il va découvrir que le cinématographe peut devenir un art à part entière « .

Quelques mois plus tard, une projection privée est organisée à Paris avant la sortie en salle le 17 novembre.

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Le critique redouté du journal le Temps, Adolphe Brisson, prend quelques notes après la projection des quinze minutes que dure le drame.

Va-t’il assassiner le film ? Portera-t-il un coup fatal à ce jeune cinématographe qui demande à prendre sa place parmi les créations respectables ?

Le journaliste se caresse la barbe, il recale ses cent kilos dans son fauteuil et prépare son commentaire. Toute l’équipe du film attend, fiévreusement, ses premiers mots :

 » Vous avez fait un travail remarquable, un formidable récit visuel qui se grave dans nos esprits en traits inoubliables. C’est une impressionnante leçon d’histoire. Avec vous, on découvre que rien ne vaut l’enseignement par les yeux. »

André Calmettes souffle, Charles le Bargy sourit… royal. 

« Le duc de Guise »… ne sera donc pas assassiné en 1908.

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