14 octobre 1908, Bosnie Herzégovine : quand l’Europe joue avec le feu

Les faits : le 5 octobre 1908, l’Empire Austro-hongrois annexe officiellement la Bosnie Herzégovine, pays qu’elle occupait depuis trente ans déjà.

Depuis dix jours, les réactions dans les chancelleries occidentales sont très négatives. La France et l’Angleterre parlent de « coup de force » des Autrichiens. L’Allemagne regrette de ne pas avoir été consultée et considère qu’il s’agit d’une action « unilatérale ». La Russie, enfin, se sent humiliée d’être exclue de l’avenir d’un peuple en majorité slave.

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Une rue de Sarajevo en 1908

Quant à l’Empire Ottoman, il n’émet que de faibles protestations. C’était lui qui exerçait, sur le papier du moins, la souveraineté sur ces terres du sud de l’Europe. On murmure que le Sultan aurait bénéficié de transferts importants de fonds venant de la monarchie habsbourgeoise.

D’un strict point de vue diplomatique, la crise devrait se calmer rapidement. Les troupes de François-Joseph occupaient déjà Sarajevo et sa région, il n’y a donc pas de changement d’un point de vue militaire. En outre, Vienne réalise de gros efforts pour tirer vers le haut ces territoires encore peu industrialisés : construction de ponts et de 6500 kilomètres de lignes de chemins de fer, agrandissement des routes, électrification des villes, alphabétisation de la jeunesse… Autrement dit, l’annexion ne fait que confirmer un état de fait économiquement bénéfique.

Pour autant, cet événement reste lourd de menaces.

Il est la démonstration du manque de concertation entre Etats européens. L’action unilatérale, la politique du « fait accompli » semble payante. Le traité de Berlin de 1878 (qui règlait le sort des anciennes possessions ottomanes en Europe) devient lettre morte. Ceci rajoute de l’incertitude dans les relations diplomatiques et n’est pas facteur de paix.

Ni la Bosnie, ni l’Herzégovine ne sont allemandes. Composées de Serbes orthodoxes, de Croates catholiques et de « Turcs » musulmans, ces deux contrées sont des mosaïques potentiellement instables, où la cohabitation entre religions et nationalités ne va pas de soi. Les jalousies entre Serbes, Croates et Turcs peuvent naître à tout moment : à la faveur de la construction d’un pont, du recouvrement inégalitaire d’un impôt, de l’implantation d’une école à un endroit plutôt qu’à un autre.

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Caricature dans un journal autrichien : les Bosniaques sont considérés comme « arriérés » par les Autrichiens et les Hongrois. Aucun des deux peuples ne veut payer, avec ses impôts, pour le développement de cette région.

Belgrade, la capitale voisine, continue à rêver d’une « Grande Serbie » et des nationalistes de part et d’autre de la frontière mènent des activités parfois violentes (avec le soutien des services secrets de Belgrade ?)  que la police autrichienne peine à contrôler et réprimer.

Les Balkans demeurent une poudrière. Poudrière de peuples rivaux, de religions différentes. Poudrière faite de conflits d’intérêts entre puissances : les Russes souhaitent rester influents dans cette région en partie slave ; les Autrichiens veulent, avec le soutien implicite de l’Allemagne, préserver la partie sud de leurs frontières ; l’Angleterre reste attentive à la libre circulation des marchandises sur les voies maritimes et à l’équilibre des forces sur le continent ; la France se méfie de toute démarche d’expansion d’une nation germanique.

Pour qu’une poudrière soit dangereuse, il faut un baril de poudre. Il existe donc, ce sont les Balkans.

Pour aboutir à une explosion, il faut aussi une mèche et une étincelle. Le système des alliances entre puissances, la tentation des coups de force de la part des Etats européens, les actions troubles des services secrets serbes ou autrichiens, forment bien une « mèche » dangereuse.

Et l’étincelle? Pour l’instant, il n’y en a pas.

Pour l’instant.

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