3 janvier 1908 : La fin de la guerre des polices ?

Réunion houleuse aujourd’hui au ministère …

 

Celestin Hennion, directeur de la Sûreté générale

 … Il s’agissait, pour le patron de la Sûreté générale, Célestin Hennion et moi (comme représentant du ministre), de présenter aux différents services de police et de gendarmerie, les nouvelles brigades mobiles.

Nous nous attendions , tous les deux, à une rencontre difficile mais pas à ce point.

Les gendarmes ont « ouvert le feu » dès le début. Ils regrettent de ne pas être dotés des mêmes moyens que les nouvelles brigades et ne comprennent pas que leur corps, pourtant national, n’ait pas accueilli en son sein, cette nouvelle police d’élite. Ils  craignent d’être relégués à des tâches subalternes.

Après cette première salve, les « collègues » (si l’on peut dire) de la Préfecture de police, ont sorti un arsenal considérable d’arguments destinés à remettre en cause le décret qui vient d’être signé. « Inapplicable », « injuste » « décidé sans concertation ». Ces messieurs habitués à être les « seigneurs » de la police, ne supportent pas qu’un corps d’avenir puisse voir le jour en dehors de leur maison.

Pour faire bon poids, les représentants des polices municipales locales ont poussé de hauts cris sur l’atteinte portée à leur domaine de compétence. Ils proposent, sans rire, que les brigades restreignent leur champ d’action à Paris et la proche région parisienne.

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Les « Hirondelles », policiers à bicyclette

Calme, sûr de lui, le grand gaillard et ancien policier qu’est Célestin Hennion, a laissé les uns et les autres s’exprimer. Attentif à ce que disait chacun, il a pris quelques notes.

Puis, d’une voix forte, bien timbrée, il a indiqué qu’il allait raconter une petite histoire.

Les participants, un peu surpris, se sont calés dans leurs sièges et le calme est revenu.

 » Voilà un rapport qui m’a transmis ce matin la chancellerie sur une affaire criminelle actuellement couverte par le secret de l’instruction. Je ne pourrai donc pas citer le nom de l’inculpé, que je vais appeler Victor X.

Ce Victor X vient d’avouer au juge avoir commis cinq meurtres de commerçants au cours de ces dernières années. Un à Toulouse, un second à Poitiers, un troisième à Lyon et enfin les deux derniers à Melun et Paris.

Arrêté après le deuxième meurtre, à la suite d’une bagarre dans un bar, par la police municipale de Poitiers (la police locale compte 14 policiers pour toute la ville), il est relâché peu après. Les policiers n’ont pas fait le rapprochement avec le signalement de Victor X, établi par la police de Toulouse.

De nouveau arrêté par la gendarmerie du Rhône, cette fois-ci à la suite d’un vol … de poule, il est une fois de plus laissé en liberté. La gendarmerie croit avoir affaire à un vagabond sans importance et se contente de le sermonner. Elle ne sait pas que notre Victor X a commis, depuis son arrestation à Poitiers, un troisième meurtre, non loin de la place Bellecourt, à Lyon.

Un quatrième meurtre et un cinquième sont à déplorer respectivement à Melun puis à Paris même.

La Préfecture de police arrête Victor X à la suite d’un longue enquête sur … une escroquerie. Lors de l’interrogatoire, Victor X ne reconnaît que ce dernier méfait. Et c’est sur ce seul motif qu’il est déféré au Parquet puis au juge d’instruction.

Heureusement, le magistrat a des contacts avec des collègues de province ; il est frappé par la ressemblance entre Victor X et le signalement de l’auteur des meurtres non élucidés de Toulouse, Poitiers, Melun et Paris. Le criminel a été vu en effet par de nombreux témoins, les attaques de commerçants ayant eu lieu en plein jour.

Il interroge donc longuement Victor X qui finit pas tout avouer.

Voilà, sans la ténacité de ce juge parisien, sans ses contacts personnels dans la magistrature, cinq meurtres seraient restés sans auteur, et un criminel endurci aurait été jugé comme « simple » escroc.

Elle est efficace notre police, vous ne trouvez pas ? Au lieu de nous chamailler, travaillons dans la même direction. Je comprends vos aigreurs mais nos divisions ne profitent qu’aux malfrats. Je souhaite qu’une réunion de concertation ait lieu entre nous tous les mois. Nous finirons bien par mieux collaborer. Qu’en pensez-vous ?  »

La salle était maintenant acquise. Les gendarmes, les policiers de la préfecture… proposaient tous une date proche pour la seconde rencontre et indiquaient qu’ils mettraient à cette occasion, sur la table, des éléments qui pourraient intéresser leurs voisins.

Quand nous nous sommes retrouvés seuls, j’ai demandé à Célestin Hennion quelle affaire criminelle avait-il évoquée. J’étais surpris, au poste que j’occupais, de ne pas en avoir entendu parler.

Il m’a répondu, avec une sourire malicieux, qu’il avait … tout inventé.  » Mais c’est pour la bonne cause. Je n’aurais jamais pu faire travailler ensemble ces lascars sans un exemple concret, vraisemblable, frappant les imaginations !  »

Espérons que ce « pieux mensonge » va faire disparaître, une bonne fois pour toute, la guerre des polices ! 

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Il faudra effectivement rapidement doter notre gendarmerie … d’automobiles

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